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Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 133.djvu/930

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Aucune de ses œuvres peut être n’est à ce point de vue, plus instructive que l’Homère et les Bergers du Salon de 1845, conservé au musée de Saint-Lo aucune ne montrerait avec la même persuasive évidence la Juxtaposition des souvenirs de l’école et du sentiment personnel. C’est de l’école que procèdent les premiers plans et le groupe d’Homère et des bergers mais tout pénétrés de la des caresses de la lumière enveloppante et la mer bleue qui sourit au fond sous un pan de ciel vermeil, surtout, à droite entre des bouquets d’arbres l’apparition de blondes architectures dans la lumière jeune, annoncent la présence du véritable Corot. Ce qu’il avait rêvé dans ses premières études d’Italie, on le retrouve là. L’heure de l’affranchissement a sonné On conviendra qu’il était temps, si l’on veut bien se souvenir qu’en 1845 le bon Corot touchait à la cinquantaine

A mesure que sans rupture violente ni scandale il s’était éloigné de Victor Bertin et de Xavier Bidault, il s’était rapproché d’un maître, naïf comme lui, plus digne de le conseiller et de le soutenir : Claude le Lorrain Le même rêve au fond habitant leurs deux âmes de leur habituelle contemplation de la nature, une impression se dégageant dominante : la gloire du ciel profond, infini dans son dialogue éternel avec la terre et les eaux De l’un à l’autre, assurément, la différence des milieux et des temps se fait sentir chez Corot la sensibilité est plus agile, la rétine plus tendre semble emmagasiner plus de vibrations il entre plus de consonances des jeux plus compliqués d’harmoniques et de complémentaires dans la constitution de ses grands accords ; à analyser ses ciels admirables, qui sont moins de la couleur que de la lumière et dont les sonorités sont tour à tour si légères et si riches on y noterait la palpitation de plus d’atomes, et partout en même temps des sens plus aiguisés et plus exigeans, un métier moins simple, une main moins patiente Mais chez l’un comme chez l’autre les données essentielles se ramènent toujours à l’opposition de la fluidité lumineuse des fonds avec les constructions plus denses des premiers plans. Du Bain de Diane à Biblis, son dernier chef-d’œuvre Corot, dans ce qu’on pourrait appeler sa grande manière classique, revient sans cesse au même motif entre deux masses inégales de verdures ou de rochers s’appuyant de chaque côté aux deux montans du cadre une grande trouée d’horizon fuyant, de ciel et d’eau est ménagée. Le moment choisi de préférence est aux heures indécises, surtout celles du crépuscule ou les formes terrestres se silhouettent par grandes masses sur le firmament qui retient encore, dans un grave recueillement, une solennité tendre, la suprême splendeur du jour qui va mourir. Les