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Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 133.djvu/942

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REVUE LITTÉRAIRE

DEUX MORALISTES « FIN DE SIÈCLE »
CHAMFORT ET RIVAROL

Les noms de Chamfort et de Rivarol n’ont pas cessé de s’appeler l’un l’autre. Ces ennemis intimes. après avoir passé leur vie à se haïr, ou, ce qui est plus grave, à se jalouser, sont unis dans la mort, devant la postérité et devant la Sorbonne. C’est sous la forme de thèses pour le doctorat que nous arrivent, à quelques mois de distance, les études consacrées par M. Maurice Pellisson à Chamfort. et par M. André Le Breton à Rivarol[1]. Ce sont deux panégyriques, de valeur inégale, mais d’égale chaleur. M. Pellisson prend en main, avec conviction, la cause de Chamfort calomnié par les pamphlétaires royalistes, et il la dessert avec application. Il s’attache à mettre surtout en lumière le rôle politique de l’ami de Mirabeau ; et il ne se rend pas compte que Chamfort peut bien avoir été un révolutionnaire de la première heure et mériter le titre de vieux républicain, s’il a une place dans l’histoire c’est dans l’histoire des lettres et non dans l’autre. M. Pellisson se montre très soucieux d’obtenir notre estime pour le caractère de son client, dont il admire, pour sa part, la probité, la dignité, l’indépendance. Il le lave surtout du reproche d’avoir été un misanthrope et un pessimiste. Il nous fait un Chamfort « à l’eau rose ». Et il ne s’aperçoit pas qu’il détruit ainsi l’originalité elle-même du moraliste. — Dans un livre écrit avec esprit, avec élégance et même avec coquetterie, et qui témoigne d’ailleurs de recherches très consciencieuses. M. Le Breton parle de Rivarol d’une façon qui eût réjoui Rivarol et chatouille délicieusement sa fatuité. M. le comte eût respiré avec volupté cet encens qui s’adresse

  1. Maurice Pellisson, Chamfort, 1 vol. in-8o (Lecène et Oudin). — André Le Breton, Rivarol, 1 vol. in-8o (Hachette).