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Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 137.djvu/29

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peut-être, mais ce n’était pas l’opinion de la foule, et elle y trouvait au contraire tant de plaisir qu’on lui en donnait très souvent le spectacle. Les chasses finirent par devenir presque inséparables des combats de gladiateurs. Sous l’empire, on en vint à d’incroyables folies. Dans des fêtes offertes au peuple romain, qui duraient plusieurs jours, on fit combattre jusqu’à 500 paires de gladiateurs entre eux et tuer plus de 1 000 bêtes. On les faisait venir à grands frais des contrées lointaines, et l’Afrique, pour sa part, en fournissait un très grand nombre. Les inscriptions nous apprennent que les bestiæ africanæ étaient fort estimées et payées très cher. Pour se les procurer on organisait de grandes battues qui, avec le temps, eurent pour résultat de les rendre beaucoup plus rares. L’éléphant même disparut entièrement, et il fallut désormais l’aller chercher jusqu’en Asie. Les lions dont on faisait des consommations énormes (Commode en une fois en fit tuer une centaine), la panthère, le léopard, s’enfoncèrent de plus en plus dans le désert, laissant à la culture et à la civilisation des pays dont ils étaient jusque-là les maîtres.

En même temps que les bêtes fauves, l’Afrique fournissait aussi les chasseurs. Quelques-uns devinrent célèbres par leur adresse et leur intrépidité. L’Anthologie nous a conservé le nom de l’un d’entre eux, le nègre Olympius, qui s’était fait une si grande réputation que, quand il mourut, les poètes africains se mirent en frais pour le chanter. L’un d’eux déclarait que la couleur de son visage ne devait lui porter aucun préjudice « puisqu’on apprécie beaucoup l’ébène, et que la sombre violette est l’ornement des prés verdoyans. » Un autre ; lui annonçait que « sa gloire ne devait pas mourir et que son nom serait éternellement répété dans Carthage. » Ce qui est beaucoup pour un chasseur nègre.

Soyons sûrs que l’amphithéâtre d’El-Djem a dû voir, du temps de sa gloire, beaucoup de ces grands massacres d’hommes et de ces tueries d’animaux. Pour qu’il nous apparaisse comme il devait être, il faut replacer, dans cette arène aujourd’hui comblée de décombres, des couples de gladiateurs qui combattent, ou le chasseur Olympius attaquant quelque lion du Sahara. Ici encore, un poète se chargera de nous rendre cet effort d’imagination plus facile. Ce poète s’appelle Calpurnius et vivait probablement du temps de Néron. Nous avons de lui des églogues imitées de Virgile ; dans l’une d’elles il nous représente le berger Corydon, qui vient d’assister à une représentation solennelle de l’amphithéâtre et raconte ses impressions à ses camarades. Après leur avoir dit comment il est entré par le portique du haut, qui est occupé par