Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 139.djvu/726

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Et, quelques pages plus loin : « En vérité, quand on se représente tant de maux divers dont nos pères ont été accablés, on se demande comment l’homme pouvait vivre. Eh bien! on vivait, et même on vivait gaiement; on vivait mieux avec ses maux que nous avec les nôtres, et la peste déclarée ne faisait pas plus d’effet que n’en produit aujourd’hui telle épidémie légère, qui fait fuir un grand nombre et affole le reste. »

Ce sage, comme on voit, n’accorde pas une confiance excessive aux soi-disant progrès de la civilisation. Non qu’il ait contre le présent aucun parti pris: mais il aime le passé autant qu’il le connaît, et c’est là, en tout cas, une disposition précieuse chez un historien. Elle permet à M. Chabeuf d’étudier avec une égale sympathie chacune des phases successives du développement de Dijon : car dans chacune d’elles il trouve l’expression d’un idéal particulier d’élégance fastueuse ou de tranquille bonheur, et chacune lui montre cependant, sous un aspect nouveau, la même âme dijonnaise, gardant à travers les siècles le même fond d’équilibre et de belle santé. Ainsi il va de quartier en quartier, en quête des moindres vestiges des âges disparus. Tantôt il nous décrit les monumens de sa chère ville, tantôt c’est leur histoire qu’il nous raconte ; d’autres fois encore il les prend pour exemples, et nous reconstitue, autour d’eux, l’époque tout entière dont ils sont la trace. Heureuse ville, où il n’y a pas une époque qui n’ait laissé pour trace quelque monument !

Mais je n’ai pas assez dit à quel point ce livre lui-même est un monument, avec les 450 pages in-folio de son texte, avec les innombrables vignettes dont il est semé, et ses cent grandes planches en photogravure, reproduisant tour à tour, dans l’ensemble et par le détail, églises et palais, hôtels féodaux et parlementaires, vieilles rues et vieilles maisons, trésors artistiques et curiosités locales. C’est un monument élevé à la gloire de Dijon, et de la province tout entière, dont il atteste, en même temps que l’inaliénable richesse artistique, la féconde vitalité intellectuelle et morale. Puisse seulement la tentative de M. Chabeuf trouver bientôt des imitateurs! Puissent les autres villes françaises, à l’exemple de Dijon, se rappeler par de beaux ouvrages à notre respectueuse attention !


T. W.


Le Directeur-général,

F. BRUNETIERE.