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Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 140.djvu/164

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totale est restée si inférieure si on la compare à celle de l’allumette ordinaire. Le phosphore blanc continue de régner en maître sur l’industrie. En Angleterre, en Italie, en Espagne la fabrication est libre ; elle n’est ni réglementée, ni surveillée. La quantité de phosphore que contiennent les pâtes n’est point limitée : les formules anglaises par exemple contiennent jusqu’à 20 et 30 pour 100 de phosphore. C’est assez dire qu’on ne prend qu’un médiocre souci du sort des usines et des ouvriers. L’assainissement est nul, l’insalubrité est notoire. En Allemagne, berceau de l’industrie, la fabrication a toujours été très malsaine et les accidens maintes fois signalés. Les usines de la Thuringe étaient des foyers de nécrose. On dit même qu’à l’époque actuelle, il y a recrudescence du mal chimique, s’il faut en croire les docteurs Riedel et Bogdanok, de Berlin, qui viennent de publier un travail nouveau sur la matière.

Nous ne serions pas embarrassé pour expliquer l’insalubrité des installations allemandes en considérant certaine théorie dominante sur la pathogénie des accidens — théorie qui repose sur une erreur absolue — l’action élective du phosphore sur les os de la mâchoire, mais ce serait entrer ici dans des considérations trop médicales. Toujours est-il que le gouvernement allemand, convaincu de l’impossibilité de la suppression du phosphore et sans songer à attenter à la liberté de l’industrie, a prescrit certaines mesures. Ainsi, une loi d’empire du 13 mars 1884, modifiée et complétée par une autre loi de 1895, réglemente, en de nombreux et minutieux articles, les conditions essentielles de la fabrication des allumettes, le dosage des pâtes impose l’obligation du trempage mécanique au rouleau, et contient quelques indications relatives à l’hygiène de l’ouvrier ainsi qu’à l’aération et à la ventilation des ateliers.

Mais la plupart de ces règles, inobservées d’ailleurs, sont puériles et illusoires. Les manufactures de France ont eu, sous le régime de la Compagnie générale, la singulière idée de les reproduire et de les adopter ; elles n’ont pas eu à s’en féliciter.

D’Allemagne, passons en Suisse, et nous y recueillerons un document fort instructif : là, en effet, le public et les médecins s’étaient depuis longtemps alarmés de l’insalubrité des usines. D’importans travaux scientifiques, ceux de Rose et Rechberg, de Zurich, par exemple, avaient attiré l’attention sur une situation devenue grave, et l’autorité s’émut. Le Conseil fédéral édicta en