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Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 140.djvu/230

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divorce, sur les devoirs de l’épouse, etc. Hélène dit des choses vraies : élevée entre un père anticlérical et une mère traditionaliste, mais non « pratiquante », il n’est pas étonnant qu’elle ne croie à rien du tout ; et elle ajoute que son cas est celui de beaucoup de jeunes femmes et de jeunes filles de sa génération. El ses argumens sont très forts, du moment qu’on admet le droit au bonheur comme le seul principe d’une vie humaine ; si forts, que la bonne Mme Leformat n’a pas grand’chose à répondre : mais on sent que M. Donnay en est désolé, qu’il voudrait de bon cœur qu’elle répondît quelque chose, et que ce n’est pas sa faute s’il n’a rien trouvé de décisif à lui souffler. Et la discussion, dans son entière sincérité, est peut-être plus significative que si l’auteur concluait. — De même, au premier acte, suffoquée un moment par cette odeur de décomposition, — fleurs mourantes, sueurs, haleines, fumet des nourritures et des boissons, — qui flotte sur la fin d’une fête mondaine, lorsque Hélène, après avoir donné rendez-vous à son amant, ouvre une des fenêtres du salon à la fraîcheur du petit jour, et aperçoit dehors un pauvre vieil homme qui se rend au travail, elle ne fait sans doute que la réflexion banalement apitoyée qu’on pouvait attendre d’elle ; mais cela suffit : cette réflexion, nous la complétons, et nous en sommes un peu plus longtemps mélancoliques que celle qui l’a faite. — Enfin, dans ce grêle et peut-être superflu quatrième acte, il y a un endroit où Philippe nous conte qu’il a réfléchi, qu’il n’est plus le même, qu’il a reconnu que la vie est chose sérieuse, et où il nous dit cela en des phrases qui feraient peut-être sourire l’auteur d’Amans si la Douloureuse était d’un autre. Et j’aime, — sous tout cet esprit, sous toute cette observation, et sous toute cette passion, — cette candeur.

J’ai fait bien des critiques auxquelles, dans le fond, je ne tiens pas beaucoup. C’est le cas où jamais de citer le mot : « Sa grâce est la plus forte. »

Le succès de la Douloureuse a été prodigieux.

Que toute grâce soit absente de la comédie de M. Paul Hervieu, la Loi de l’Homme, il est clair que M. Paul Hervieu l’a obstinément voulu. Belle occasion de parallèle. M. Donnay ne veut que peindre ; M. Hervieu ne veut que prouver. L’un n’est que sensibilité et l’autre n’est que logique. Les personnages de l’un vivent pour eux-mêmes et pour nous, les personnages de l’autre ne vivent qu’en tant qu’ils démontrent la thèse posée par l’auteur. La comédie de l’un est composée avec une douce nonchalance ; le drame de l’autre avec une précision dure et contraignante. La Douloureuse est, si j’ose dire, une comédie « en