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jetée sur les rapports de Rome avec les diverses provinces de son empire. Les argentiers d’alors étaient de véritables banquiers, dont l’action s’étendait en dehors de la ville éternelle, bien au-delà des frontières de l’Italie. Au moyen âge, les Lombards, les Juifs, créateurs ou vulgarisateurs de la lettre de change, dont l’antiquité avait déjà eu la notion, furent les agens actifs de transport des capitaux entre les contrées européennes.

Dans des temps plus voisins de nous, une banque comme celle de Hambourg, qui ouvrait des comptes à des banquiers de divers pays, et qui avait, plusieurs siècles à l’avance, pressenti l’organisation de nos chambres de compensation, de nos clearing-houses modernes, montre bien que déjà alors les capitaux étaient mobiles et se portaient d’un point à un autre, sous l’influence de causes analogues à celles qui en déterminent maintenant encore les mouvemens.

Mais toutes ces manifestations, dont un grand nombre restent ignorées de nous, ne constituaient évidemment qu’un total bien faible en comparaison de ce qui se passe aujourd’hui. Les bateaux à vapeur, les chemins de fer, la télégraphie et la téléphonie électriques ont fait avancer sous certains rapports l’humanité en cinquante ans, autant que dans les cinquante siècles qui précédèrent le nôtre. Les communications sont devenues si promptes et si aisées entre les diverses parties du monde, que ; les seuls arrêts à la libre circulation des capitaux proviennent de la différence des systèmes monétaires, et aussi, dans une certaine mesure, de la législation fiscale des divers pays. Car les barrières de douane, qu’on s’efforce de relever partout, ne peuvent s’appliquer qu’aux marchandises, matières premières et objets fabriqués, tout au plus aux métaux précieux ou, à l’extrême rigueur, aux billets de banque, comme cela est le cas à la frontière russe. L’ingéniosité sans bornes du fisc n’a pas encore découvert l’art de contrôler ni d’empêcher l’exportation des capitaux sous leur forme plus subtile, plus impondérable que les pièces de métal ou les billets de banque : c’est-à-dire les lettres de change, les chèques, les transferts et versemens de tout genre qui peuvent se faire par voie postale, télégraphique, au besoin téléphonique ; et aussi les titres de rentes, les actions et les obligations, qui s’expédient d’une place à l’autre et transfèrent, par la simple tradition de quelques feuilles de papier, des propriétés dont la valeur atteint des centaines de millions.