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Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 140.djvu/485

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nouveau pour leur président, et qu’ils l’éliront probablement pour rapporteur. M. Hémon, député du Finistère, qui appartient au parti modéré, homme de mérite et de talent, mais qui, égaré sans doute par des passions et des intérêts locaux, avait pris la part principale dans la discussion de l’élection et dans la préparation du vote qui l’a terminée, fait également partie de la commission d’enquête. Le discours qu’il a prononcé a produit un tel effet sur elle que la Chambre en a voté l’affichage, détermination très rare de sa part, et que, pour des motifs d’ailleurs divers, quelques-uns de ceux qui l’ont prise cette fois ont regrettée le lendemain.

Une commission parlementaire se rendra donc en Bretagne, et pendant plusieurs semaines elle remuera et agitera toute la région, sans le moindre profit assurément pour la paix des esprits et aussi sans doute pour la découverte de la vérité. A supposer que nous nous trompions sur ce dernier point, et que le rapport de la commission donne un tableau exact et fidèle des mœurs électorales dans un coin particulier de la France, les radicaux et les socialistes ne manqueront pas d’en généraliser les traits et de déclarer très haut que le mal est partout le même, que la même organisation des forces cléricales existe dans toutes les autres circonscriptions électorales, et qu’il y a là un danger d’ordre général qu’il convient de combattre avec toutes les armes. La commission semble avoir pris pour devise : Le cléricalisme, voilà l’ennemi ! Ce vieux cri de guerre, qu’on croyait un peu démodé, a inspiré le discours de M. Hémon et a trouvé un retentissement imprévu dans le cœur de la majorité. Et cela encore n’aurait peut-être pas grande importance, on pourrait y voir une simple surprise des sens, si M. Hémon, à travers les précautions de son discours, n’avait pas exprimé une invincible défiance à l’égard du clergé qui se rallie à la République. Que veut-il donc ? Veut-il que le clergé reste réactionnaire et anticonstitutionnel comme il l’était autrefois, et qu’il lutte ouvertement contre la République ? Peut-être ; car rien ne lui paraît plus dangereux que l’attitude nouvelle d’une partie du clergé. Pourtant, il n’est pas allé jusqu’à exprimer cette préférence en termes formels. Il voudrait que le clergé s’occupât de politique le moins possible, afin d’échapper à la tentation de mêler les choses saintes à d’autres qui ne le sont pas, tentation à laquelle il succombe en Bretagne plus souvent qu’ailleurs. Certes, nous sommes de son avis sur ce point. La place des ecclésiastiques n’est pas à la Chambre, ou du moins elle n’y est que par exception. L’exemple donné par M. Gayraud ne mérite pas d’être encouragé ; mais on ne peut pas non plus