Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 140.djvu/598

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à l’Église catholique de se renoncer pour se renouveler.

A certains égards, ce qu’il projetait était une révolution plus profonde que la Réforme. La Réforme était un retour violent à l’Église primitive ou à l’idée que se faisaient les réformés de la primitive Église, et une répudiation de la tradition. Ce que proposait Lamennais était cela aussi, mais c’était le retour à une primitive Église plus éloignée et la répudiation d’une tradition plus longue; et cela proposé à qui? à ceux que, à cause de leur tournure d’esprit, de leur tempérament et de leur race, la première réformation n’avait pas tentés. Et à quelle époque? Non plus à l’époque où les libertés locales, les autonomies municipales, les divisions territoriales multiples, l’Europe partagée en cent nations diverses atténuaient dans les esprits le principe d’autorité, rendait relativement facile l’esprit d’indépendance et d’autonomies spirituelles; mais après trois siècles de centralisation, toujours plus forte, qui avaient plié les esprits politiquement à céder à l’autorité centrale, ce qui les dirigeait naturellement à se reposer aussi, au point de vue religieux, sur l’autorité.

Et, sans doute, l’individualisme, Lamennais le savait bien, et nous ne l’oublions pas, avait fait cependant d’immenses progrès, mais c’était à ceux qui n’en étaient pas atteints, c’était aux esprits autoritaires que Lamennais proposait sa réforme! Il ne pouvait plaire qu’aux révolutionnaires, et ceux-ci étaient hors de sa prise, étant déjà pour la plupart sortis du catholicisme.

Aussi se trouva-t-il à peu près seul ; et c’est alors, alors seulement, qu’il vit le chemin parcouru par lui, et c’est alors, alors seulement, qu’il fut vraiment en contradiction avec ses premiers écrits et son premier système. Il avait dit que le protestantisme était l’individualisme spirituel, l’inspiration personnelle, laquelle n’a aucune preuve de sa légitimité. Or du moment qu’il n’était pas approuvé de son église, ou il devait renoncer à son inspiration qui n’était plus que personnelle, ou, s’il s’y tenait, elle n’avait plus aucune preuve de sa légitimité, et il devenait protestant. Il avait dit que le libéralisme était la prétention dans chaque homme de penser par lui-même sans aucun contrôle et de préférer sa raison à la raison commune, et que c’est là un commencement de folie ; car la raison individuelle n’existe pas et la raison commune existe seule; et il était réduit à sa raison personnelle, et la préférait décidément à la raison commune.

Il avait dit que la vérité, c’était le consentement universel, et