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Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 140.djvu/682

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Ce fut toujours un signe de décadence quand, la virilité manquant aux hommes, ils en furent réduits à la chercher dans les femmes. » Allemands et Allemandes, du même coup M. Gierke s’est mis tout le monde à dos.

Si les ennemis jurés de ce qu’on appelle en Allemagne « la femme académique » sont peu nombreux, elle n’y a pas à la vérité beaucoup de partisans chauds et enthousiastes. Quelques-uns essaient de se persuader que l’admission des femmes sera profitable aux études et à la science, que l’ardeur de leur zèle réveillera les cerveaux engourdis, excitera la noble émulation des jeunes barbes, que rien n’est plus propre à faire travailler un étudiant que de voir travailler une étudiante. D’autres, plus nombreux, craignent que l’étudiante ne soit pour l’étudiant une concurrente dangereuse, si elle est laide ; une distraction fâcheuse, si elle est jolie ; ils estiment que le visage d’une jolie fille est de tous les livres celui qui attire le plus et instruit le moins.

En définitive, les professeurs consultés par M. Kirchhoff sont pour la plupart des résignés, qui pensent qu’il y a des courans qu’on ne remonte pas, que qui ne veut pas se noyer fait bien de suivre le fil de l’eau. Les uns font bonne mine à mauvais jeu, les autres se résignent avec un visible effort et quelque mélancolie : on sent qu’ils avalent un breuvage amer, qui ne leur revient pas. — « Après tout, disent-ils en poussant un gros et long soupir, du moment que les femmes veulent étudier, le moyen de les en empêcher ? Elles aspirent à nous dépouiller, à nous troubler dans la possession d’un privilège qui nous était cher. Beati possidentes. Mais tâchons d’être justes et n’oublions pas que nous sommes juges dans notre propre cause. Nous persistons à croire que la vraie vocation de l’Allemande et sa fonction naturelle est de se marier, de faire beaucoup d’enfans et de les élever tant bien que mal. Mais on nous objecte que chez nous les femmes sont plus nombreuses que les hommes, qu’il y a au moins un million d’Allemandes qui, voulussent-elles se marier, ne trouveraient personne pour les épouser. Nous ne nous chargeons pas de leur trouver des maris, aidons-les ou faisons semblant de les aider à se procurer un gagne-pain. Après tout, celles qui chercheront à gagner leur vie dans les professions libérales ou scientifiques ne seront jamais qu’une exception. Quand nous aurions quelques doctoresses, les destinées de l’Empire allemand en seraient-elles compromises ? Il est dur de se prêter à des caprices déraisonnables ; mais nous vivons dans un temps où il faut compter avec la déraison, et puisqu’il a plu à la femme de changer l’idée qu’elle se faisait d’elle-même, flattons sa nouvelle lubie ; elle en reviendra peut-être