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Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 140.djvu/794

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le temple devient son sépulcre ; la nuit tombant, on allume une lampe ; de nouveaux venus succèdent. Jusqu’à l’heure de la résurrection, des visiteurs viendront incessamment le couvrir de baisers et de fleurs.


VII


Le Samedi Saint. — La Pâque.

Le Christ, descendu aux enfers, lutte contre le démon ; c’est pourquoi les cérémonies d’aujourd’hui présentent un caractère d’attente et d’indétermination. Les œufs et les fleurs posées sur la table où l’on va baiser l’Évangile présagent la victoire prochaine ; pourtant l’interminable office de Vassili le Grand maintient l’oppression religieuse qui pesait sur ces derniers jours.

Or le peuple, ce soir, est las d’attendre son Dieu ; en vain, pour le tenir éveillé jusqu’à l’heure de l’office, lui lit-on les actes des apôtres ; couché sur les dalles, il abrège le jeûne par un peu de sommeil.

La cérémonie de minuit est plus que religieuse, elle est officielle et nationale ; tout fonctionnaire y paraît dans la tenue réglementaire ; les places sont réglées selon les préséances ; le préfet de police fait lui-même la police.

Tenant en main un petit cierge, j’attends là, derrière un des chamarré ; à droite, mon ami Dmitri Féodorovitch ; à gauche, un vieillard qui porte simplement le costume de la noblesse et prie avec ferveur. Des chants retentissent au dehors ; pareil aux saintes femmes qui rencontrèrent le Sauveur aux portes de Jérusalem, le clergé, portant images et bannières, cherche le Christ. D’abord à l’ouest, puis au sud, à l’est ; il fait ainsi le tour du temple. Cependant l’assistance agitée regarde vers la porte qui, pour quelque symbole, est maintenant fermée ; un gendarme qui passe sur la pointe des pieds, portant un ordre, a l’air d’être dans le secret.

Des guirlandes de lumière bordant le balcon de l’étage font palpiter dans la pénombre les profondeurs sphériques de la couverture ; les coupoles sont des ballons d’or qui frémissent à l’attache ; et là-bas sur la muraille inviolée, telle encore que l’a dressée jadis l’artiste byzantin, l’immense Vierge de mosaïque luit et se déforme et fait des gestes avec les bras. Son manteau bleu, fermé d’une ceinture pourpre, tombe de sa coiffure jusqu’à