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Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 140.djvu/879

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avait préparé le commandant de Martimprey fut accepté par eux. Aussi bien ils ne virent pas sans satisfaction que nous abandonnions la ligne de la Moulouia à laquelle nous pouvions prétendre. Mais une telle prétention nous paraissait bien osée. Elle eût exigé « des négociations », dit une note trouvée dans les papiers du comte de La Rue. Cette expression seule suffit à nous faire garder le silence.

Enfin, et pour tout dire, il semble que nous n’attachions pas à ce traité un caractère définitif. Les agissemens de la cour de Fez, les intentions du sultan, d’après notre représentant à Tanger, étaient de revenir sur cette convention. Abd-er-Rhaman et son entourage avaient vu avec regret notre domination s’étendre au loin sur des populations musulmanes. Cela était si exact qu’au mois de juin suivant le souverain prescrivait à son ministre de refaire une autre convention, de n’accepter que la délimitation du Tell, de rejeter celle du désert, et d’éloigner tous les articles relatifs aux tribus et aux droits de domination sur elles.

Dans ces conditions générales, — fort mauvaises, — on l’avouera, fut rédigé et conclu l’instrument diplomatique signé à Lalla Mar’nia. On a vu comment il a répondu à notre attente. On s’étonnera moins qu’il ait sacrifié en outre une grande partie de nos droits.


IV

Ces droits, il faut les rechercher à travers l’histoire, chez les écrivains arabes et espagnols. Ils nous montrent quelle fut de tout temps la frontière qui sépara les deux royaumes de Tlemcen et de Fez. Ils nous indiquent en outre que dans le sud, ce qu’à présent nous appelons, assez improprement du reste, le Sud Oranais, la domination des sultans du Maroc, non plus que celle des Turcs, ne s’est manifestée d’une manière assez solide pour qu’elle nous soit opposable ; et ils témoignent enfin que nous étions admis à réclamer comme nôtres, au moment du partage des tribus, les Mehaïa, les Amour et les Hamian-Djemba, ainsi que l’oasis de Figuig et le ksar d’ich.

Aussi loin qu’on se reporte, on voit la Moulouia servir de limite aux deux empires voisins. C’est une sorte de tradition ininterrompue qui se perpétue à travers les siècles, car cette frontière indiquée par la nature s’imposait d’elle-même. La Moulouia