Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 140.djvu/881

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Vers le milieu du XVIIe siècle, les sultans du Maghreb reprennent leurs projets du côté de l’Orient; un des leurs, Moula-Ismaël, se rend même maître du pays jusqu’à la Tafna. Mais c’est pour une courte durée. Le glorieux souverain du Maroc, un des plus grands qu’ait eus ce pays, est battu sur la Moulouia même par le dey Hadj-Chabane. Terrifiée par ce sanglant échec, l’armée marocaine oblige son chef à signer la paix. Il reconnaît d’une façon solennelle les droits des Turcs à la Moulouia. Huit ans plus tard le chérif qui veut venger cette défaite est de nouveau battu. Moula-Ismaël ramène au Maroc les débris de son armée et ne cherche plus, dès lors, à entrer en lutte avec ses voisins.

Un siècle environ se passe encore, durant lequel les souverains du Maghreb ne contestent plus la possession de la Moulouia. Ils se tiennent dans leurs anciennes limites. Mais en 1795, le sultan Moulai-Sliman, reprenant le chemin de l’est, envoie une expédition pour s’emparer d’Oudjda « qui, dit l’historien arabe El-Tordjemane, avec les tribus qui en dépendent, faisait alors partie du territoire turc. » Le bey d’Oran ne voulut opposer aucune résistance.

Dès lors les tribus d’alentour vécurent dans une indépendance à peu près complète ; on en vint à considérer le pays comme une sorte de zone neutre ; puis peu à peu le Kiss fut reconnu comme frontière turque. C’était là, comme on s’en est rendu compte, pures mœurs musulmanes et arabes. On a vu que, lorsque deux hommes de valeur ont eu à traiter cette question, ils ont eu la précaution de faire des engagemens écrits; je fais allusion au traité signé par Moula-Ismaël et reconnaissant la Moulouia comme frontière du royaume de Tlemcen. Aucun acte sérieux, sauf une usurpation de pouvoir, n’est venu changer cet état de choses, constant à travers tant de siècles depuis la domination romaine.

Ce sont donc là des droits, des droits indiscutables et qu’assurément nous étions les seuls à ignorer. Lorsque Abd-er-Rhaman recommandait à son ministre de revenir sur la convention de Lalla Mar’nia, il avait soin de maintenir le tracé que nous lui avions imposé. Et cela n’était pas sans raison. Les droits que nous possédons sur la ligne de la Moulouia sont précis, éternels. — Eternels parce que ce sont des droits historiques, et que ceux-ci, par leur nature même, sont imprescriptibles, — Cette limite s’indiquait si bien par elle-même qu’on y songea un instant, mais on en