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Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 140.djvu/931

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REVUE MUSICALE

Théâtre de la Monnaie de Bruxelles : Fervaal, action musicale en trois actes et un prologue ; poème et musique de M. Vincent d’Indy.

Ceci est tout autre chose que ce dont je vous entretenais le mois dernier. Ceci est de la poésie et encore plus de la musique. C’est une œuvre enfin, dont il convient de parler avec un peu d’ironie, beaucoup de sérieux, infiniment de respect et quelque admiration.

Avant d’entrer dans les détails de cette ténébreuse affaire, il n’est pas inutile — le poète lui-même a fait ainsi — de remonter un peu haut. Voici comment l’un des trois personnages principaux, le druide Arfagard, celui qui sait le mieux les choses, les raconte à Fervaal, qui jusqu’alors les avait, paraît-il, ignorées.


Dès le premier âge du monde, l’homme connut Kaito, serpent mystérieux.
Ainsi fut engendrée la race sainte des Nuées,
Race de chefs, race de dieux.
Vers le deuxième âge du monde, l’esprit chenu de nos forêts,
L’âme pensante des vieux hêtres,
Émigra dans le corps des hommes les plus saints.
Ainsi commença la race des prêtres.


En d’autres termes — plus familiers — au pays de Cravann (Cévennes) où se passe l’ « action musicale » de M. d’Indy, les militaires avaient pour grand’mère un serpent et les ecclésiastiques descendaient des arbres. Sous le gouvernement partagé de l’une et l’autre caste, tout alla bien d’abord et Cravann fut longtemps prospère. Mais les guerriers vinrent à mourir, les prêtres se virent expulser, et un jour arriva où le pontife Arfagard, « seul rejeton du hêtre », se trouva en face de Fervaal, dernière postérité des dieux. Le druide, instruit des choses futures, avait d’ailleurs gardé et formé l’enfant pour une mission héroïque : pour