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Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 142.djvu/658

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REVUE DES DEUX MONDES.

comment on s’y prend ; seulement, je vous le déclare, monsieur Valadier, faites-y bien attention, je dirai à tout le monde que mon mari vous suppliait et que vous lui avez refusé… Car je le sais bien, moi, et vous aussi, comment il se soignerait s’il avait sa tête… »

Valadier se mordait les lèvres. Brusquement : « Ah ! vous le voulez, eh bien, soit !… Allons-y. »

Et il retroussa ses manches grommelant : « Ah ! vous le voulez !… parfait !… parfait !… Mais, j’y pense, comment le saigner ? je n’ai naturellement pas apporté de lancette.

— J’ai celle de mon mari… Et voici pour nouer le bras. N’ayez pas peur, allez, tirez-lui du sang, beaucoup !

— Oh ! tant que vous voudrez, 400 grammes, 450 même !… Tout bas il se disait : « Eh bien ! je fais là un joli métier… C’est du propre !… Tant pis, c’est elle qui l’a voulu, après tout ! » Et tandis que le sang ruisselait dans la cuvette… « Pour un homme flambé, en voilà un ! Dans quatre jours, cinq au plus, le curé aura de la besogne. »

« Oui, ce qui est fait est fait… mais j’ai eu tort, je ne devais pas céder ; bah ! n’y pensons plus… »

Pourtant il était ennuyé, très ennuyé ; seulement il ne se l’avouait pas. La nuit suivante il ne put fermer l’œil, bien que harassé de fatigue. À la fin, s’irritant contre lui-même, il se leva, prit dans son armoire une bouteille de chloral et en avala une bonne gorgée ; alors seulement il put dormir.

Mais la nuit suivante il eut de la fièvre, une fièvre étrange dont il ne pouvait s’expliquer la cause. Jamais il n’avait été si agité, si nerveux. « Mais qu’est-ce que j’ai donc ? se disait-il. Comme je suis drôle ! Pourquoi ne puis-je cesser de me voir au chevet de ce Palfrène ? Qu’est-ce ça peut me faire, au fond, ce qu’il devient ? Ce n’est plus moi qui le soigne, c’est sans doute Gauwin, le médecin de Rouville… Et on n’a même pas été poli avec moi, pas un remerciement ! Au surplus, ce serait à recommencer, je referais la même chose… Car enfin…

« Et pourtant !…Non, je crois que j’ai eu tort. Médecin, je devais, en dépit de tout, appliquer le remède que je jugeais le meilleur. Et, là, il n’y en avait qu’un seul… que je ne n’ai pas employé.