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Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 142.djvu/86

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conduite, lui firent peu d’honneur ; ses ennemis ne manquent pas de l’en railler méchamment.

On voit à quel prix s’acquérait l’éloquence ; l’étude en était longue et dispendieuse ; il s’en fallait, par suite, qu’elle fût accessible à tous. Isocrate ne demandait guère moins de quatre années pour former un orateur, et s’il n’acceptait pas d’honoraires de ses disciples athéniens, les magnifiques cadeaux qu’ils lui faisaient suffiraient, en l’absence d’autres preuves, à nous éclairer sur leur condition : tous appartenaient à l’aristocratie d’Athènes, et c’était justement leur naissance et leur grande fortune qui les portaient à ambitionner de diriger les affaires de leur pays. Ainsi, les « conseillers du peuple », comme ils s’appelaient eux-mêmes, formaient une corporation puissante, d’autant plus redoutable qu’elle représentait une élite. On conçoit qu’avec les ressources dont elle disposait, elle régnât sur la cité en oligarchie souveraine ; essayons de préciser le caractère de sa tyrannie.


III

Quand un parti était au pouvoir, il était le maître à la fois de l’assemblée et des tribunaux. On sait qu’à Athènes les tribunaux étaient composés de jurés tirés au sort parmi les citoyens ; ces jurés siégeaient sous la présidence de tel ou tel magistrat, suivant la nature de la cause à juger ; leur nombre atteignait aisément plusieurs centaines. C’était devant eux que se terminaient, le plus souvent, les combats engagés dans l’assemblée du peuple. Un orateur avait-il, dans l’assemblée, dénoncé la conduite d’un adversaire, attaqué une proposition de décret comme illégale, l’affaire était soumise aux juges, qui décidaient souverainement ; mais leur décision était rarement impartiale, et la partie qui personnifiait, en politique, les idées du jour avait de grandes chances de l’emporter auprès de ces jurés, image en raccourci de l’assemblée populaire, dont ils gardaient toutes les passions, malgré le serment qu’ils avaient prêté de maintenir élevée au-dessus de leurs préférences ou de leurs rancunes la sérénité des lois. C’était donc, à côté de la politique pure, un instrument de domination très efficace que la justice. Aristote nous dit, dans sa Constitution d’Athènes, qu’après le gouvernement des Trente et le rétablissement du régime républicain par Thrasybule, la démocratie devint toute-puissante, grâce à l’assemblée et aux