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Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 146.djvu/595

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mauvais, qu’il nous semblait qu’ils cherchaient à abuser de leurs avantages quand il y avait beaucoup de commandes, tandis que de notre côté nous abusions également de la situation lorsque l’activité du marché se ralentissait ; qu’il était certain que c’était un système de vol et d’injustice. Nous autres patrons, nous cherchions toujours à réduire les salaires, tandis que les ouvriers tendaient sans cesse à les faire monter le plus possible. Dans l’un et l’autre cas, la grève était inévitable et ces grèves étaient un désastre pour tous, parce que, le plus souvent, c’était au moment où la demande était la plus grande que nos machines se trouvaient arrêtées. Nous leur suggérâmes qu’il y avait mieux à faire. Les ouvriers se montrèrent d’abord très soupçonneux, et il est impossible de décrire les regards anxieux qu’ils échangeaient entre eux. Quelques patrons critiquaient aussi notre système, qu’ils trouvaient humiliant et dégradant pour eux, cependant notre idée était bien arrêtée, et nous esquissâmes le plan de ce qu’on a appelé le système d’arbitrage et de conciliation. »

C’est ainsi que Mundella constitua en 1860 le premier Conseil permanent d’arbitrage et de conciliation qui ait fonctionné en Angleterre, the Board of Arbitration and Conciliation in the Glove and Hosiery Trade.

Les statuts rédigés par lui sont très simples, mais si pratiques que, depuis cette époque, il n’y a été apporté que des modifications peu importantes. Nous n’avons pas à entrer ici dans des détails d’organisation qui ont été maintes fois exposés et qu’on retrouve dans les nombreuses propositions de loi sur l’arbitrage déposées en France et en Belgique.

Mundella avait prévu la nomination d’un comité de conciliation chargé d’instruire toutes les affaires soumises au Conseil : c’est ce comité qui est devenu en fait le rouage le plus important du système. Il n’a pas le pouvoir de rendre une sentence arbitrale ; mais c’est lui qui, dans ses réunions trimestrielles, étudie contradictoirement les tarifs des salaires et les règlemens d’atelier, qui deviennent obligatoires quand ils ont été revêtus de la signature des délégués. Des comités de ce genre, connus en Angleterre sous le nom de Joint Board, Joint Commuee (Conseils mixtes), existent aujourd’hui dans presque toutes les branches de l’industrie anglaise, et on ne recourt que rarement à l’arbitrage.

Cette organisation, qui a eu des débuts si modestes, n’en constituait pas moins une révolution, non seulement au point de vue