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Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 146.djvu/940

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même doit être vécue. Voilà le « problème anxieux » ! Répondre à cela, comme l’auteur de Paris, que la vie doit être vécue parce qu’elle est la vie, et que la justice est en train de s’élaborer dans « les fourneaux des savans », est-ce répondre ? ou plutôt n’est-ce pas n’avoir pas entendu le problème, puisque c’est croire qu’on le résout en disant qu’il n’en est pas un. « Le frisson, la communion parfaite avec les arbres, avec les bêtes, avec le ciel », oui, ce sont de fort jolies choses, mais il y a des gens qui n’y trouvent pas l’apaisement de leur inquiétude. Surgit amari aliquid : ils ne reculent pas plus que d’autres devant les exigences ou les obligations de la vie, mais une angoisse intérieure ne les tourmente pas moins, qui n’a rien ni d’une « mode », ni d’un sport, ni d’une élégance. Il y en a quelques-uns que l’Exposition du système du monde ou l’Histoire comparée des langues sémitiques distraient, mais ne consolent pas de s’ignorer eux-mêmes. Et s’il y en a qui, dans les occupations de la vie même, ou dans le divertissement du laboratoire, entendent murmurer en eux la parole célèbre : « La science des choses extérieures ne me consolera pas de l’ignorance de la morale au temps d’affliction, mais la science des mœurs me consolera toujours de l’ignorance des sciences extérieures », suffira-t-il vraiment pour leur répondre d’avoir épousé Marie Couturier, « avec son front d’intelligence, ses yeux de gaité, son nez de finesse, et ses bras de charme et de soutien » ? Nous supplions M. Emile Zola d’avoir pitié de Blaise Pascal.


F. BRUNETIERE.