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stipulait rien à l’est du Tchad, si peu même que l’Angleterre déclarait, le 18 novembre 1893, en traitant avec l’Allemagne, qu’elle regardait le Darfour, le Kordofan comme en dehors de la sphère d’influence allemande (lisez : dans la sphère anglaise). — A l’ouest du Niger ? Pas davantage, le traité est muet. Rien n’y limite l’action de la France, ni celle de l’Angleterre. Au premier occupant, car le Congrès de Berlin a posé en principe que l’occupation effective est nécessaire pour l’attribution des pays contestés. D’ailleurs, la question n’est plus entière depuis que nous avons annexé le Dahomey. Outre notre sphère d’influence méditerranéenne, nous en avons une dahoméenne, et si la première s’étend à 2 600 kilomètres de la côte, la seconde peut bien en avoir 800 de profondeur ; cela ne choque ni vraisemblance ni équité. Plus amoureux de la ligne droite sur le Niger que sur le Zambèze, les Anglais veulent limiter le Dahomey par le méridien de Say et nous exclure de Borgou, tout plein de garnisons françaises.

Quel est donc l’avantage de la convention Ribot ? Elle nous donne les routes du Sahara, où les caravanes n’ont plus d’importance depuis qu’elles ne comprennent plus d’esclaves, ce produit unique, automobile et porteur. En supprimant la servitude dans l’Afrique du Nord, les Européens ont tué le commerce saharien. A moins d’y découvrir des richesses minérales encore imprévues, le Sahara sera de plus en plus désert. A mesure que les côtes de Guinée appelleront plus fortement, par les cours d’eau, les chemins de fer, les produits et les hommes du Soudan, les nomades sahariens se rapprocheront de lui ; ils seront aspirés par lui comme une poussière légère par un puissant foyer.

L’avantage de prévenir les Anglais à Tombouctou ? C’est une crainte chimérique née d’une confiance étrange dans les dires du rival. Nous eussions tout aussi bien pu prétendre que les avant-postes de Bammako faisaient des raids jusqu’à Boussa ; que les méharistes d’El Goléa sillonnaient le Bornou. Ou l’on traite entre saintes gens, limpides dans leurs paroles, ou l’on discute entre diplomates, et l’on se défie, on se gare.

Enfin, on nous assurait l’accès du Tchad. Ici, toute l’opinion est coupable. Pendant dix ans, on a fait miroiter à nos yeux cette grande nappe d’eau. Jadis les Pères Blancs nous avaient apporté « comme sur un plateau » le protectorat, de l’Ouganda. On le déclina, et les « Français » catholiques purent être mitraillés par le capitaine (aujourd’hui colonel) Lugard, sans que la France