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y ait lieu de remanier notre système d’impôts, elle n’admettra pas que l’on fasse de ce remaniement la préface d’une suppression de la propriété individuelle. « Une famille, a-t-on dit, qui, de mercenaire devient propriétaire, se respecte, s’élève dans son estime, et la voilà changée ! Elle récolte de sa terre une moisson de vertus. » Souvenons-nous de cette parole, et que nulle part sans doute elle n’est plus vraie que dans une démocratie.

Si l’on excepte ce seul point, — qui a certes son importance, mais qui ne saurait être à lui seul toute la doctrine, — il y a de bonnes choses dans le « socialisme, » et, qui sait ? peut-être même dans le « collectivisme ». Ce que, par exemple, on appelle aujourd’hui la « municipalisation du service des eaux », ou de « l’éclairage », ou des « transports en commun » est-ce ou non du collectivisme ? et si les avantages, non pas même matériels ou pécuniaires, mais sociaux, en étaient démontrés, qui s’aviserait de les repousser ? Ou bien encore, s’agit-il, comme le demande M. Jaurès, « d’organiser la retraite pour tous les travailleurs, par un prélèvement légal sur les salaires, par un versement obligatoire des employeurs, et par une contribution de l’État ? » Je ne sais ce que vaut l’idée, comment on la réalisera, ni si l’application n’en rencontrera pas d’insurmontables obstacles ! Mais il n’y a aucune raison de la repousser a priori, de ne pas l’étudier, et, en attendant mieux, de n’en pas faire passer dans l’usage et dans la loi tout ce que l’on pourra. Autant en dirons-nous de toutes les questions relatives à l’association. Socialisme, association, — deux mots, dans une langue aussi claire que le français, ne sauraient être aussi voisins qu’ils n’expriment des idées voisines ! et, à cet égard, qui n’est aujourd’hui « socialiste » ? Si l’ennemi, comme nous le disions, est l’individualisme, l’association sous toutes ses formes est le vrai moyen qu’il y ait de le combattre. En développant l’association, non seulement nous y trouverons un moyen de faire d’excellentes choses, mais c’est le socialisme lui-même que nous dégagerons du collectivisme et de l’anarchisme, et, ainsi, c’est ce qu’il contient de pratique et de légitime que nous aurons séparé de ce qu’il contient de dangereux et d’utopique.


Parlerons-nous, en troisième lieu, de la question politique, et, en particulier, de « la réforme du régime parlementaire » ou de la « révision de la Constitution » ? M. Raymond Poincaré, dans un article de la Revue de Paris, a fait sur ce sujet de fort bonnes réflexions, et entre autres celle-ci, qu’« avant de réviser la Constitution on pourrait peut-être