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Chacun des étages de la maison donne sur une de ses tribunes, de sorte que les plus impotens peuvent encore sans fatigue se traîner jusqu’à Dieu.

En présence de cette tendresse, de cette ingéniosité de la charité catholique, faut-il s’étonner du peu de succès qu’a rencontré le dernier projet philanthropique, si bien intentionné pourtant, de son excellence lady Aberdeen, épouse du gouverneur général ? Non contente de voir fonctionner des trained nurses de premier ordre dans le monumental Victoria Hospital de Montréal, elle voulait déléguer des postes de ces infirmières diplômées dans les villages, sans bien se rendre compte de l’attachement exclusif qu’aura toujours l’ « habitant » français pour les Sœurs blanches et grises. Celles-ci ont en partage tout ce qui ne s’improvise pas et ce qu’aucun brevet ne peut donner, de longues associations avec le passé historique ; elles parlent la langue maternelle, elles représentent la religion dus aïeux ; quelque chose de plus fort que le devoir professionnel le mieux rempli leur fait braver, rechercher même tous les dangers, toutes les souffrances ; le célibat enfin leur donne le droit de vivre pauvres, au service des pauvres. Il n’y a pas de hautes études qui puisse remplacer cela. Et le Royal Victoria Hospital lui-même, dont la construction a coûté plus d’un million de dollars à ses généreux fondateurs, lord Mount Stephen et sir Donald Smith, l’hôpital-palais qui se dresse comme le plus bel échantillon de la munificence anglaise au milieu d’un parc admirable, ne pourra, de longtemps du moins, prétendre à rivaliser avec l’Hôtel-Dieu plus modeste auquel reste attaché le nom si français de l’humble Jeanne Mance.


TH. BENTZON.