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pourraient encore se balancer, en raison de l’insuffisance tactique, — insuffisance de la protection, surtout, — des croiseurs auxiliaires américains.

Quoi qu’il en soit, les opérations qui se dérouleraient dans les eaux américaines entre des forces navales de composition si diverse, mais ne comprenant que des unités de style très moderne, seraient assurément des plus intéressantes et en tout cas à peu près décisives.

Une difficulté sérieuse se présente cependant pour l’escadre espagnole, celle de se ravitailler en charbon, — au moins pour les croiseurs cuirassés. De ce problème délicat plusieurs solutions peuvent être proposées, toutefois. La meilleure, certes, eût été de s’emparer, dès le début des hostilités, d’un point favorable de la côte des États-Unis, de l’île de Nantucket, par exemple, dont on se servit si bien pendant la guerre de l’Indépendance américaine ; d’y établir une solide garnison avec des ouvrages de circonstance armés de canons de 16 centimètres ou de 18 centimètres Hontoria, un aviso-torpilleur du type Filipinas et trois ou quatre torpilleurs ; de semer quelques torpilles automatiques à l’entrée de la rade, en ayant soin de réserver un chenal connu des seuls défenseurs ; et, cela fait, d’y expédier des paquebots chargés de plusieurs milliers de tonnes de combustible. C’était, en somme, la création d’une petite base d’opérations secondaire sur le territoire ennemi. Mais pour cela il fallait à la fois beaucoup de prévoyance, beaucoup d’énergie, des mesures bien prises et exactement exécutées ; il fallait surtout, comme le voulait, dit-on, le général Weyler, oser prendre l’initiative des hostilités et ne pas craindre d’aborder de front l’adversaire. — Laissons donc ce premier procédé.

Un autre moyen, le plus employé d’ailleurs, et que la division américaine du Pacifique vient de mettre en pratique, consiste à se faire suivre de paquebots charbonniers. Encore faut-il que ces paquebots aient la même vitesse que l’escadre et que l’on soit assuré de pouvoir faire, à la mer, en pleine houle du large, le transbordement du combustible. Or cela n’est point si commode, expérience faite !

A la vérité, on peut trouver sur la côte ennemie, sauf surprises fâcheuses, quelque abri, quelque recoin favorable. C’est là que l’on viderait, le cas échéant, les soutes des vapeurs capturés par l’escadre aux atterrages, — troisième moyen, le plus simple, mais aussi fort aléatoire.