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étaient rivés à leur signature. C’est pourquoi les trois puissances belligérantes ne délivrèrent aucune lettre de marque, en 1859, pendant la campagne d’Italie. Le 25 juillet 1870, notre gouvernement adressa les instructions suivantes aux commandans de la flotte française : « Tous les États de la Confédération de l’Allemagne du Nord, ayant adhéré à la déclaration du 16 avril, ont renoncé pour leurs sujets à l’exercice de la course. En conséquence, tout corsaire rencontré sous pavillon de cette Confédération devra être saisi et traité comme pirate », et la France ne retenait pas, bien entendu, le droit qu’elle déniait à l’Allemagne[1]. De son côté la Prusse, répudiant l’opinion violente qu’avait exprimée M. Wollheim da Fonseca[2], reconnaissait expressément l’illégitimité de la course. Au début de la dernière guerre turco-russe, le journal de Saint-Pétersbourg du 14/26 mai 1877 publia la déclaration suivante : « Conformément à la déclaration de 1856, la course est considérée comme abolie, et la délivrance des lettres de marque est interdite. » Le 21 avril 1897, au commencement de la guerre gréco-turque, le gouvernement hellénique adressa la circulaire suivante à ses représentans : « Veuillez, par note officielle, porter à la connaissance du gouvernement auprès duquel vous êtes accrédité que le gouvernement royal, d’ordre de Sa Majesté le Roi, vient de donner des ordres pour que dans la poursuite de la guerre entre la Grèce et la Turquie, les commandans de ses forces de terre et de mer observent scrupuleusement envers les puissances neutres les règles du droit international, et pour qu’ils se conforment notamment aux principes posés dans la déclaration de Paris, savoir : la course est et demeure abolie… »

Mais il est hors de doute que les dissidens ont gardé leur liberté d’action. La déclaration de Paris contient, en effet, un alinéa final ainsi conçu : « La présente déclaration n’est et ne sera obligatoire qu’entre les puissances qui y ont ou qui y auront accédé. » C’est pourquoi l’article 4 du décret espagnol publié par la

  1. Voir, entre autres textes, l’article 13 des instructions complémentaires, intitulé : « Pavillon des prises. »
  2. Ce publiciste avait dit : « La déclaration n’est pas seulement discutable ; mais elle n’a aucune valeur et ne peut même prétendre à devenir une règle pour le droit maritime moderne, et à lier moralement et juridiquement les puissances signataires de cet acte. En particulier, l’article 1er, concernant l’abolition de la course, serait, en cas de guerre, dommageable et dangereux pour la Prusse, par conséquent non obligatoire pour elle. »