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de 1856, ayant sous les yeux les définitions précises faites en 1780 et en 1800 par les deux ligues de neutralité armée, n’en ont pas reproduit le texte dans le nouveau pacte[1]. Si la majorité des puissances avait exigé ce texte précis, elle n’aurait pas obtenu l’adhésion de l’Angleterre. Un blocus par croisière qui laisse subsister le « danger évident » d’entrer dans le port, par exemple lorsque les croiseurs passent et repassent assez souvent devant les lieux bloqués pour qu’il soit très difficile de tromper leur surveillance, n’est pas interdit par la déclaration. D’interminables discussions de fait devaient donc s’ouvrir, au cours de chaque guerre maritime sur cette question : le blocus est-il effectif ? Mais tel est le régime qu’avaient accepté les puissances et, si l’on n’a pas fait autrement, c’est qu’on n’a pas pu mieux faire.

Le blocus établi le 22 avril par le gouvernement de Washington peut être d’ailleurs effectif, même au sens le plus étroit du mot. Il laisse de côté la partie orientale de l’île et n’embrasse, au nord que 200 kilomètres de côte, au sud que le port de Cienfuegos. Il n’est pas très difficile d’intercepter les communications sur cette portion restreinte de la mer littorale.

Mais ce blocus est-il réellement effectif ? On l’a contesté dès le 28 avril au Sénat espagnol. M. Sanchez de Toca, sénateur, s’est efforcé d’établir, en citant divers faits, que les communications n’étaient pas interceptées et que les Américains méconnaissaient les règles du droit international ; il ajoutait que les neutres, lésés dans leurs opérations commerciales par cette apparence de blocus, pouvaient en prendre à leur aise, et demandait au gouvernement d’aviser les puissances. Le ministre de la marine promit de se concerter avec son collègue des affaires étrangères : le gouvernement entrerait en pourparlers, le cas échéant, avec les cabinets des États neutres.

Il ne faut pas se figurer, avec quelques journaux, qu’un blocus cesse d’être effectif, par cela seul que certains bâtimens de mer pénètrent dans le port bloqué. Divers traités, comme celui du 27 octobre 1860 entre l’Italie et la république de San Salvador, du 19 décembre 1862 entre le Danemark et le Venezuela, du 28 août 1869 entre le Zollverein et le Mexique ; quelques règlemens

  1. La déclaration de 1780 disait : « Pour déterminer ce qui caractérise un port bloqué, on n’accorde cette dénomination qu’à celui où il y a, par la disposition de la puissance qui l’attaque avec des bâtimens de guerre arrêtés et suffisamment proches, un danger évident d’entrer. »