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femme du monde enragée de lettres et déjà mûre ; comment il lui fait accepter son mariage avec une jeune fille qu’elle croit insignifiante ; comment il continue d’être adoré et opprimé par sa protectrice, et comment sa jeune femme l’en débarrasse enfin, tel est le sujet de Mon enfant. C’est, dans un milieu spécial, une petite étude de ce que l’amour d’une femme de quarante-cinq ans enferme de maternité. La chose est, à mon gré, trop tournée au vaudeville, avec quelque lourdeur, mais non sans une verve assez drue.

La comédie du Palais-Royal s’appelle le Boulet.

Au premier acte, Dubreuil a une maîtresse, Éva, qui le quitte pour un de ses amis, plus riche que lui, Fronsac. Mais ce n’est pas le sujet de la pièce. Au deuxième acte, Fronsac et Dubreuil se rencontrent et ont un duel amené fort comiquement. Mais ce n’est pas encore le sujet.

Le sujet est au troisième acte. C’est celui du Grappin, de M. Salandri, mais beaucoup moins poussé au noir. Fronsac a épousé Éva, qui est furieuse de n’être pas reçue dans le monde de son mari. Ici, une jolie idée : Éva, pour se venger, reçoit une femme de son « monde » à elle, une de ses anciennes amies, une petite cocotte, qui, toute confuse du rôle qu’on lui fait jouer, se retire d’elle-même gentiment et presque respectueusement… Fronsac et Éva restent en tête à tête. Ils tâcheront de se suffire.

A travers l’action circule un bien bon type de moraliste cynique et doux, dont tout le rôle est en réticences et en silences ironiques. C’est, je crois, la vraie trouvaille de la pièce, qui est spirituelle et quelquefois savoureuse.


JULES LEMAITRE.