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États-Unis sont en guerre avec l’Espagne pour leur proposer l’alliance militaire de l’Angleterre. En a-t-il le droit ? Y est-il autorisé ? A-t-il qualité pour cela ? On nous permettra d’en douter. Il ne parle pas de l’Allemagne ; mais on sent fort bien qu’elle est sous-entendue dans son discours ; elle est englobée dans l’expression de pays anglo-saxons. C’est la politique de races dans toute sa simplicité. M. Chamberlain n’oublie pas moins le télégramme de l’empereur Guillaume au président Krüger que les messages de M. Cleveland à propos des affaires du Venezuela. Les États-Unis sont forts ou paraissent tels, l’Allemagne l’est incontestablement : cela lui suffit, et il passe l’éponge sur certains souvenirs désagréables. C’est un politique réaliste. Il le serait, du moins, si ses tentatives étaient suivies de plus de succès ; mais la vérité oblige à dire que les suggestions du discours de Birmingham ont été accueillies en Allemagne avec une remarquable froideur. Les journaux américains en ont parlé d’une manière plus bienveillante : comment aurait-il pu en être autrement ? Mais, comme elles n’ont été suivies d’aucune ouverture de la part du gouvernement de la Reine, M. Mac-Kinley n’a pas eu à y répondre, et l’affaire en est restée là.

Contre qui seraient tournées les alliances que poursuit M. Chamberlain ? Aussi longtemps, déclare-t-il, que les puissances continentales ont agi séparément, l’Angleterre a pu faire de même. Ce n’est pas là toute sa pensée. Aussi longtemps qu’il n’y a eu qu’une alliance en Europe, celle de l’Allemagne, de l’Autriche et de l’Italie, l’Angleterre a pu rester isolée. Mais depuis qu’une autre alliance s’est produite, la situation a changé. C’est alors, et alors seulement, que M. Chamberlain a senti la nécessité de modifier la politique de son pays et qu’il a proposé de le faire. Le rapprochement de la Russie et de la France a frappé son imagination comme la menace d’un danger pour l’Angleterre. Il serait peut-être embarrassé de dire pourquoi, mais il connaît la puissance de l’affirmation et il affirme. Il n’a pourtant pas nommé la France ; faut-il lui en savoir gré ? De même qu’en parlant des alliances anglo-saxonnes, il a désigné nominalement les États-Unis sans rien dire de l’Allemagne, de même en parlant de la situation nouvelle et des préoccupations qu’elle lui inspire, il a désigné expressément la Russie et il s’est tu sur nous. Mais il n’a pas ménagé la Russie ! Rarement, croyons-nous, un ministre en exercice s’est exprimé sur un autre pays, en dehors de l’état de guerre, avec une aussi libre désinvolture. On fait remarquer, à la vérité, que M. Chamberlain a parlé comme député de Birmingham et non pas comme ministre, et qu’il s’adressait à ses électeurs et non pas aux membres de la Chambre des