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retraite mariés sur le tard, où le revenu suffit à peine aux dépenses quotidiennes, la question de savoir ce qu’on fera d’elle devient aiguë, dès que la jeune fille atteint dix-sept à dix-huit ans. Jusque-là, elle est élevée au rabais, tant mal que bien, dans un externat de jeunes demoiselles ou au moyen d’une bourse obtenue dans un lycée de filles. Généralement, les parens de cette jeune fille lui font passer, vers l’âge de seize ou dix-sept ans, ses examens à l’Hôtel de Ville pour l’obtention du brevet simple ou même du brevet supérieur. Ce n’est pas qu’ils aient l’intention d’en faire une institutrice communale. Ce serait déroger. Mais ils ont l’idée vague qu’un brevet, c’est une recommandation, et que cela sert toujours à quelque chose.

Cependant l’enfant est devenue une jeune fille. D’autres enfans suivent peut-être, à l’éducation desquels il faut pourvoir : un garçon dont la pension au collège semble déjà lourde, une autre petite fille qui va faire sa première communion. Que faire de celle qui est une femme, et qui doit désormais se suffire à elle-même ?

À cette question, les féministes ont une réponse qui paraît simple. Ouvrir toute grande à ces jeunes filles la porte des carrières qui jusqu’à présent semblaient réservées aux hommes, en particulier celle d’avocat et celle de médecin. Pour la carrière d’avocat, la Cour de Paris a répondu, et elle a tranché la question, au moins d’une façon provisoire, car les féministes n’en resteront certainement pas là. A mon humble avis, elle n’a pas seulement donné une saine interprétation aux lois et aux textes qui régissent la matière. Elle a encore rendu service aux femmes en leur fermant l’accès d’une profession déjà encombrée, pour laquelle aucune aptitude spéciale ne les désigne, et où elles ne trouveraient que mécompte. Il n’en est pas de même de celle de médecin. En soignant de préférence des personnes de leur sexe ou des enfans, les femmes pourraient se rendre très utiles, surtout si, au lieu de courir la clientèle en ville, elles acceptaient modestement, comme aux Etats-Unis, d’être attachées à titre permanent à des établissemens spéciaux, couvens, lycées de filles, etc. Quand les mœurs y seront faites, et déjà cela commence, il y aura là un débouché utile pour les jeunes filles douées de rares qualités, non seulement d’esprit, mais de caractère, intelligentes, laborieuses et persévérantes. Mais celles-là ne seront jamais qu’une minorité. Devant la jeune fille à qui je pense, d’instruction ordinaire, d’intelligence moyenne, deux carrières semblent seules s’ouvrir : celle de