Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 147.djvu/823

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

s’agissait d’un tableau de mosaïque et on exigeait qu’il fût fait avec la rapidité d’une ébauche. »

En cette fin de 1818, qui va voir se disloquer le cabinet dont il fait partie, c’est à gauche que s’appuie Decazes et le ministère tout entier avec lui. Ce n’est pas que des tentatives n’aient été multipliées pour opérer un rapprochement entre le gouvernement et les ultra-royalistes. On a même pu croire qu’impuissans à faire réussir leur système d’exagération, ceux-ci abdiqueraient leurs ressentimens. Des avances significatives leur ont été faites par les ministres. On leur a offert des portefeuilles. Mais ils ont demandé des concessions de principe, des garanties personnelles, qu’il était impossible de leur accorder. Les pourparlers ont été rompus. L’opposition des ultra-royalistes a redoublé de violence. Certains d’entre eux se sont groupés sous la direction de Chateaubriand. Ils ont fondé un journal, le Conservateur, pour y soutenir leurs revendications. Ce qu’il y a eu de plus grave, c’est qu’au fond de ces agitations et de ces intrigues, on a cru reconnaître la main de Monsieur, frère de Louis XVIII. S’il ne s’y est pas activement mêlé, tout au moins en a-t-il eu connaissance et ne les a-t-il pas désapprouvées. Les preuves de sa participation à ces exigences et à ces menaces, on les retrouve dans une lettre qu’il a écrite à son frère au commencement de 1818 et dont ce dernier a relevé vertement les accusations. La réponse du Roi porte la date du 29 janvier[1].

Son système, ses principes, ses actes une fois justifiés, il conclut en ces termes : « Je ne veux changer ni de système, ni de ministres ; je suis, au contraire, résolu à prouver d’une manière éclatante que je veux les soutenir… Vous m’avez annoncé que, si vous ne parveniez pas à me persuader, vous feriez publiquement connaître votre façon de penser, et, ce qui malheureusement en serait la suite inévitable, que vous cesseriez de me voir… Nul doute que cette résolution n’entravât la marche du gouvernement. Mais, avec de la suite et de la fermeté, on peut triompher de cet obstacle, et j’espère que de mon vivant, il n’y aura pas de troubles. Mais je ne puis sans frémir envisager l’instant où je fermerai les yeux. Vous vous trouveriez alors entre deux partis dont l’un se croit déjà opprimé par moi et dont l’autre appréhenderait de l’être par vous. » Conclusion : ce serait la guerre civile et tout un avenir de

  1. Cette lettre, dont j’ai sous les yeux une copie écrite de la main du Roi, est trop longue pour être reproduite ici in extenso.