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donnait à ses hommes « promettait six cents livres de récompense à ceux qui passeraient tout au fil de l’épée, sans compter les femmes et les enfans : il a entendu dire encore qu’il y aurait des villes où on mettrait la charrue dedans. »

Le commissaire Hévin, guidé par Boujard, commença une perquisition complote du château et du parc, tandis qu’il expédiait à Antrain une escouade chargée d’en rapporter des rafraîchissemens pour sa troupe et de ramener un maçon pour piquer les armoiries sculptées sur la façade du château. Entre temps il fouillait les carrés du parterre où devaient se trouver enfouies, d’après Boujard, des caisses pleines de fusils. On ne trouva, dans la terre, que diverses pièces d’argenterie, du beurre en baril et des bouteilles de vin. La visite des appartemens ne donna pas meilleur résultat : beaucoup de papiers, contrats, actes de toute sorte, correspondance particulière, aucune pièce ayant trait à la conjuration. Hévin mit de côté deux lettres qui lui parurent cependant intéressantes, fit jeter tout le reste dans trois sacs de toile qu’on devait déposer à Saint-Ouen en regagnant Antrain et rallia sa troupe qui, pendant toute la journée, s’était conduite avec un calme et une modération dignes d’éloges. Quelques hommes s’étaient attaqués à la charpente du colombier, situé à l’extrémité de l’avenue de chênes, au bord du Tronçon ; d’autres avaient cassé quelques bouteilles de liqueurs, brisé un battant d’armoire, cueilli dans le parterre des branches de myrte et d’oranger et coupé trois arbustes : c’étaient là les seuls dégâts commis.

Quant au marquis de la Rouerie, il avait disparu : son château restait à la garde d’une seule domestique, et toutes les battues organisées pour retrouver la trace du fugitif demeurèrent sans résultat : de guerre lasse, les officiers municipaux d’Antrain firent apposer dans tout le pays des placards ainsi libellés :


6 juillet 1792.

Jean-Laurent Lemonnier. homme de loi, juge de paix et officier de police, et de sûreté de la ville et paroisse de Dol, mandons et ordonnons à tous exécuteurs des mandemens de justice, d’amener par devant nous le sieur Armand Tuffin demeurant au château de la Roirrie, âgé d’environ quarante ans, taille d’environ 5 pieds 5 pouces, cheveux châtain, yeux, barbe et sourcils noirs, visage long et marqué, nez long et aquilain, menton fourchu, la bouche enfoncée.


Les paysans s’attroupaient devant les affiches : quelques-uns