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présidence qui sera très difficile à exercer. Cela dit, on ne peut qu’attendre. Dans quelques jours seulement, nous serons fixés sur les chances de durée du ministère, et peut-être aussi la Chambre nous aura-t-elle livré quelques traits de sa physionomie encore indécise. Tout ce que nous pourrions en dire pour le moment tiendrait de l’hypothèse et serait prématuré.


Il était facile de prévoir que les troubles dont l’Italie vient d’être le théâtre auraient un contre-coup sur la situation ministérielle. Le cabinet était déjà, et depuis longtemps, affaibli par des dissentimens intérieurs, et l’autorité personnelle de M. le marquis di Rudini commençait à n’être plus assez forte pour faire vivre les uns à côté des autres les élémens disparates de son gouvernement. Un peu plus tôt, un peu plus tard, une dislocation devait se produire : c’était devenu une question de jours. La mort subite du ministre de la marine, M. Brin, a précipité les événemens. Le cabinet di Rudini, depuis qu’il existe à travers des transformations déjà nombreuses, — celle dont nous rendons compte est, croyons-nous, la cinquième, — a été très éprouvé par la mort. M. Costa, ministre de la Justice, a disparu au mois d’août 1897, M. Sineo, ministre des Postes et des Télégraphes, au mois de février 1898. Mais ni l’un ni l’autre n’avait, à beaucoup près, l’importance de M. Brin. Celui-ci n’était pas seulement un ministre de la marine très expérimenté ; c’était un homme politique dans la pleine et bonne acception du mot. Non pas que nous ayons toujours eu à approuver sa conduite, ni à nous en louer. Son passage au ministère des Affaires étrangères, où on avait eu le tort de le mettre, nous a laissé quelques souvenirs fâcheux. Il n’en avait pas moins des qualités estimables, grâce auxquelles il avait inspiré au roi Humbert une confiance absolue. Il était vraiment l’homme du Roi dans le ministère, situation délicate, dont il aurait pu abuser ; mais on s’accorde généralement à reconnaître qu’il en usait d’une manière discrète et utile. M. Brin avait encore un autre caractère : il représentait le groupe piémontais, et l’on sait que dans la politique ministérielle de nos voisins, faite, comme la nôtre l’a été quelquefois, de dosages plus ou moins savans, ce groupe se considère comme ayant droit à un certain nombre de portefeuilles. M. Sineo, l’ancien ministre des Postes, était Piémontais ; sa mort avait déjà ébranlé l’équilibre du cabinet ; celle de M. Brin lui a porté le dernier coup. Rien que pour ce motif, M. di Rudini se trouvait dans la nécessité de remanier son ministère ; mais d’autres n’ont pas tardé à s’y joindre. Le désaccord fondamental,