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Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 149.djvu/12

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majestueuse des souvenirs, pour pénétrer dans la cité sacrée comme un touriste de l’agence Cook. Il tient à faire vers Jérusalem une marche lente et triomphale, à visiter pieusement, comme un croisé, Nazareth, Bethléem, le lac de Génézareth. Il n’habitera ni les palais turcs ni les hôtels britanniques, mais ses tentes se dresseront, somptueuses et pourvues de tout le confort moderne, sur le sable de la Judée. Le 30 octobre, Guillaume II entrera solennellement à Jérusalem ; le 31, il inaugurera l’église protestante du Sauveur. — La route du retour conduira le Kaiser à Alexandrie. En Égypte, il sera reçu par le khédive, visitera les Pyramides, remontera le Nil, interrogera le sphinx, s’imprégnera du passé ; mais peut-être un hasard prémédité l’amènera-t-il au Caire juste à point, — c’est du moins l’espérance des Anglais, — pour passer en revue, à leur retour triomphal, les conquérans de Khartoum ; en tout cas, et par le fait seul de son séjour, il apportera aux détenteurs européens de l’antique Égypte la sanction de son auguste présence. — Enfin, après avoir, le premier, depuis Frédéric II, César excommunié, promené à travers l’Orient musulman la majesté du pouvoir impérial, tout enivré encore du bruit des acclamations, tout ébloui de la splendeur des fêtes, Guillaume II rentrera dans ces antiques provinces du Brandebourg où jadis les vieux margraves commencèrent d’asseoir l’édifice si longtemps fragile de la grandeur des Hohenzollern.

Pour recevoir dignement l’impérial voyageur, tout l’Orient retentit du bruit des préparatifs. Le commandeur des croyans veut prouver à son hôte qu’il sait reconnaître les services rendus. Stimulée par ses ordres, l’administration turque déploie un zèle insolite ; un aide de camp du sultan, accompagné d’un ingénieur, fait remettre en état les routes que suivra le cortège impérial. Jamais pèlerin chrétien n’aura reçu des autorités ottomanes un pareil accueil. A Constantinople, c’est tout un palais qui s’élève pour abriter Sa Majesté ; dans les rues qu’Elle parcourra, une police expéditive incendie les vieilles masures qui encombrent la circulation. Enfin, pour séduire le souverain dont Abd-ul-Hamid connaît les goûts et flatte les vanités, une armée, tout de neuf habillée, patiemment exercée à la manœuvre prussienne, défilera devant lui et prouvera qu’elle sait profiter des leçons de ses instructeurs. — Et tandis qu’au milieu des acclamations obéissantes des populations, l’empereur Guillaume II montera vers Jérusalem, autour de lui et à cause de lui, dans cet Orient où tous les cultes et toutes les