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Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 149.djvu/168

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appartenait à cet Institut comme missionnaire ; et, soucieux des horribles détresses matérielles contre lesquelles se heurtait et s’usait le flot grossissant de ses compatriotes, c’est à cet Institut, qui ne visait jusqu’alors qu’à la royauté des âmes, que M. Bandini rattacha ses organisations de bienfaisance.

Ces essais fragmentaires suffiraient-ils pour sauver, aux Etats-Unis, la réputation du nom italien ? On pouvait peut-être s’en flatter. Mais les régimens de travailleurs qui s’engouffraient dans les ports de l’Amérique du Sud demeuraient passablement abandonnés ; et la Société géographique, en 1892, sur la proposition de M. Egisto Rossi, projeta l’établissement d’un office central, à Rome, pour la protection des Italiens émigrans : office central qui posséderait des succursales dans les principales villes d’Italie, et entretiendrait, dans les divers pays où l’Italien cherche à s’employer, des bureaux de renseignemens, susceptibles de se transformer en institutions protectrices. C’est à l’apologie de ce projet que concluait un journaliste de Venise, à la suite d’un voyage qu’il fit au Brésil pour l’étude spéciale de la situation des émigrans. Mais autre chose est d’élaborer un plan, voire de s’en faire l’apôtre, autre chose de le réaliser ; et, pour tisser sur les immenses étendues de l’Argentine et du Brésil ce réseau tutélaire où les pauvres travailleurs italiens seraient efficacement abrités, la Société géographique italienne, jusqu’ici, dispose de plus de bonnes volontés que de ressources. En dépit des cris d’alarme, il est, dans l’Amérique du Sud, des provinces éloignées où continue l’atroce exploitation ; il est des agens qui spéculent frauduleusement sur l’indigence ignorante et dépaysée ; il est des banquiers douteux, — aussi tristes personnages que ces agens d’affaires des États-Unis auxquels Mme Van Etten consacra naguère une monographie spéciale, — qui proposent à l’émigré de transmettre à sa famille, en Italie, le peu d’argent qu’il gagne, et qui font infidèlement la commission ; et, malgré les discussions nombreuses qui, depuis vingt ans, ont éclairé sur ces abominations l’opinion publique italienne, l’Etat demeure, non point indifférent peut-être, mais tout au moins assez inactif.

De temps à autre, il lance quelques circulaires : l’une, de 1883, prescrit aux préfets de veiller sur les agens d’émigration qui s’insinuent jusqu’au fond des campagnes italiennes pour faire espérer aux paysans misérables une lointaine panacée ; une autre, de 1892, invite les autorités administratives à mettre en garde