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Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 149.djvu/173

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égaré dans notre époque contemporaine, et voici par quels couplets ce poétique revenant se fait lui-même connaître au public :

« J’ai la harpe au cou, je suis de Viggiano ; toute la terre est mon pays. Comme l’hirondelle qui quitte son nid, je passe en chantant, de rivage en rivage ; et tant que battra mon cœur, je dirai des chansons de guerre et des chansons d’amour.

« Ma vie tout entière eut pour parure les plus belles fleurs de l’harmonie ; enfant, je m’endormais en chantant, je me réveillais au son de la harpe ; et quand sur ma table il n’y avait point de pain, tout de suite ma main courait sur les cordes.

« J’ai entendu le souffle de la tempête passer frémissant dans la forêt ; et je raconte, alors, d’étranges épouvantes, de vieilles légendes, d’obscures visions ; je sens l’harmonie frôler ma harpe, comme le nuage frôle la mer.

« Quelquefois le soir, dans la vallée, j’ai entendu gémir la fauvette, et je chante, alors, la chaste affection, qui travaille le cœur des jeunes filles ; et sur ma harpe, ces gentils accords s’envolent, comme sur les lis la brise d’avril.

« J’ai entendu les graves notes de l’orgue, l’hymne solennel du prêtre ; et quand je raconte les œuvres de Dieu, quand je parle de mon bon ange, ces sons de ma harpe résonnent au loin, comme les harpes d’or des anges.

« Aujourd’hui, le ciel d’Italie me sourit ; demain, je piétine les glaces de la Russie ; en toute terre je trouve mon pays ; c’est la vie du Viggianais, de dormir l’été à la belle étoile, de se chauffer l’hiver par charité.

« Partout il y a des femmes amoureuses et partout des garçons joyeux, partout de jeunes fiancées ; comme l’hirondelle qui quitte son nid, je passe en chantant de rivage en rivage ; et tant que battra mon cœur, je dirai des chansons de guerre et des chansons d’amour. »

Ce chant du départ, dont les accens annonçaient le chevalier errant de l’harmonie, le guidait loin de Viggiano, le soutenait dans ses courses aventureuses ; et puis, lorsque son escarcelle s’était suffisamment remplie, notre vagabond, fidèle, reprenait la route de Viggiano ; et pour ses concitoyens recouvrés, il tenait en réserve un Chant du retour, que Parzanese n’a pas traduit d’une façon moins émouvante :

« Je te revois, ô mon toit fumeux, je te salue, tranquille Viggiano ; des années et des années, j’ai erré au loin, mais c’est vers