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Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 149.djvu/207

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emprunter une image aux opérations métallurgiques des hauts fourneaux. On admet donc qu’une croûte ou une écume de silicates fusibles est remontée à la surface de la masse brûlante en vertu de sa légèreté spécifique, formant, suivant l’expression de M. A. Gautier, « la scorie solidifiée de cet immense creuset. » Et, par ce moyen, l’oxygène encore intact aurait été séparé du noyau oxydable, — préservé, maintenu, — et conservé avec ses affinités disponibles pour les combustions ultérieures de la vie végétale et animale.

Une seconde hypothèse, toute contraire, a été proposée en ces dernières années par M. T. L. Phipson. La majeure partie de l’oxygène serait de formation récente par rapport aux autres gaz de l’air. L’atmosphère primitive aurait été essentiellement composée d’azote, d’acide carbonique et de vapeur d’eau. C’est dans un tel milieu qu’aurait apparu la vie végétale. Les premières plantes, essentiellement anaérobies, décomposant l’acide carbonique sous l’influence des rayons solaires, en versèrent l’oxygène continuellement et graduellement dans le milieu aérien. Encore aujourd’hui, dans une atmosphère artificielle d’acide carbonique et d’azote humide, sans oxygène libre, les plantes actuelles végètent des mois entiers. Elles transforment en milieu de plus en plus oxygéné le milieu primitivement privé d’oxygène où on les a placées, et cela avec d’autant plus d’énergie qu’elles appartiennent à des types plus inférieurs, tels, par exemple, que les algues unicellulaires. La cellule anaérobie, s’accommodant à ce milieu nouveau, est devenue lentement aérobie, et la vie animale a pu se développer à son tour. D’après cela, l’oxygène atmosphérique aurait été sans cesse on augmentant à la surface du globe. L’équilibre actuel ne serait donc pas un équilibre vrai, ce serait en fin de compte un dérangement lent.

A l’inverse de l’oxygène, la présence de l’azote libre dans le milieu aérien et sa conservation à peu près indéfinie ne soulèvent aucune difficulté, puisque ce gaz est l’un des plus inertes et des moins faciles à liquéfier. L’atmosphère est le refuge naturel de tous les matériaux qui, n’ayant pas trouvé à se combiner ou à se condenser, ont conservé la forme gazeuse. On y doit donc trouver l’azote ; et, s’il existe d’autres corps aussi réfractaires que lui à la combinaison directe et autant éloignés de leur point de liquéfaction, c’est évidemment là qu’on les trouvera, à côté de l’azote. Tel est précisément le cas pour l’argon et les gaz nouvellement découverts.