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nouvelles stations furent fondées, et le nombre des convertis devint assez considérable pour que le Saint-Siège, suivant son procédé habituel, dédoublât le vicariat, séparât le Chan-toung méridional du Chan-toung septentrional, et confiât la charge du premier au Père Anzer, nommé vicaire apostolique avec caractère épiscopal (12 janvier 1886). Ainsi, au temps où M. de Bismarck arrêtait la guerre religieuse et engageait son pays dans la politique d’expansion coloniale, toute une province des missions chinoises était confiée aux Pères de Steyl : les évadés du Culturkampf allaient devenir les meilleurs pionniers de la grandeur allemande.

Ce fut à la fin de cette même année 1886 qu’un incident grave survint et que les droits de la France furent pour la première fois ouvertement méconnus. A Pékin, dans l’intérieur même de la « Ville impériale » s’élevait une grande cathédrale appelée le Pétang, construite après le traité de Tien-Tsin, par les soins des lazaristes et avec l’argent du gouvernement français ; couronnant cette église, deux tours s’élançaient ; leur ombre indiscrète et provocatrice, se profilant sur les jardins du sacré palais, troublait la quiétude de l’impératrice-mère et venait rappeler, jusqu’au fond de l’auguste séjour, l’humiliant souvenir des exigences européennes. En 1886, l’impératrice-régente exprima son vif désir d’être enfin délivrée des fâcheux clochers. Pour se soustraire aux importunités de la cour, les lazaristes déclarèrent s’en référer à la décision du Saint-Siège. Les Anglais, alors tout-puissans dans le Céleste Empire, crurent trouver dans cet incident l’occasion cherchée de nous enlever les charges avantageuses du protectorat catholique ; ils insinuèrent à Li-Hung-Tchang, non seulement de prendre au mot les lazaristes, mais encore d’entrer en relations directes avec le Saint-Siège et de demander la création d’une nonciature à Pékin. La perspective de traiter avec le pape sans l’intermédiaire du ministre de France plut infiniment aux conseillers du Fils du Ciel ; ils y virent un moyen de se débarrasser des gênantes servitudes de notre protectorat ; avec le Saint-Père, qui n’a ni vaisseaux de guerre, ni soldats, on pourrait exercer à souhait l’art si chinois des négociations dilatoires. L’avis fut donc écouté et M. Dunn, employé anglais des douanes chinoises, partit pour l’Italie. Tout ce que l’influence française comptait d’adversaires ou de jaloux, allemands, italiens, autrichiens, s’empressèrent d’appuyer le