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Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 149.djvu/215

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n’avaient pas su l’en distinguer, mais les agens chimiques s’y entendaient mieux. L’azote vrai (que l’on a quelque peine à combiner directement) forme cependant un nombre infini de composés, azotates, azotites, sels ammoniacaux, urée, sans parler du nombre infini des substances organiques. De ces composés, que l’on tire de diverses sources, que l’on obtient cristallisés et absolument purs, on peut extraire de l’azote pur. C’est l’azote chimique, l’azote véritable. Pour celui-là, il n’y a pas d’inquiétude à avoir ; on est bien certain de sa pureté. Quand un corps entre en proportions définies dans des combinaisons parfaitement cristallisées, il ne saurait être un mélange hétérogène. A la vérité, on ne peut rien affirmer relativement à sa simplicité ; mais on peut affirmer sa pureté. L’azote chimique, au lieu d’être un corps simple, pourrait être lui-même un composé, — et la même chose peut être dite de tous les autres corps simples, — mais, à coup sûr, il ne saurait être un mélange de deux gaz.

On connaissait donc, en somme, un gaz réellement pur, l’azote chimique, et un autre, l’azote atmosphérique, que l’on confondait avec le premier, et cela à tort, puisque les chimistes anglais viennent précisément d’y trouver l’argon mélangé. Il y avait, en d’autres termes, deux sortes de procédés pour préparer l’azote : on l’extrayait de l’air ou des sels azotés ; on obtenait l’azote chimique ou l’azote atmosphérique.

Il résulte de ces explications que si l’on essaye, en surmontant les difficultés de l’opération, de combiner l’azote atmosphérique, on ne pourra y réussir complètement. Il subsistera un résidu, c’est-à-dire une substance qui par cela même se distinguera de l’azote. On aura découvert et préparé l’argon. C’est ce qu’ont fait lord Rayleigh et W. Ramsay.

Mais un autre l’avait fait avant eux ; un illustre chimiste et physicien qui fut au siècle dernier le digne émule des Scheele, des Priestley et des Lavoisier. C’est Cavendish. Lord Henry Cavendish, petit-fils du second duc de Devonshire, dont Biot a dit « qu’il était le plus riche de tous les savans et le plus savant de tous les riches, » fut en effet un admirable savant, s’il fut un homme singulier, excentrique et fort misanthrope. Il avait installé un laboratoire particulier, un atelier et un observatoire dans sa villa de Clapham, et c’est là ainsi que dans sa maison de Londres qu’il travaillait pour son plaisir ou son instruction propre, sans se soucier de l’impression que produisaient ses découvertes