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Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 149.djvu/308

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réduire la dette ; la réduire au prix de sacrifices pour les générations présentes, mais la réduire, la réduire encore, la réduire toujours ; en diminuer la charge d’intérêts, en racheter le capital par les combinaisons les plus variées ; se priver de sources de revenus, telles que l’impôt foncier, à condition de faire disparaître un capital de dette dont le service coûtait à l’Etat une somme annuelle égale au chiffre de la taxe abandonnée par lui. Pleins de confiance dans la vertu de cet amortissement aux formes si multiples, si ingénieuses, les Anglais n’ont dédaigné aucune manière de le mettre en pratique : ne voyons-nous pas figurer, dans les comptes publics, un rachat de 150 000 livres de rente opéré au moyen des fractions de pence économisées lors du payement des arrérages aux rentiers ? Le relevé annuel du mouvement de la Dette ne contient pas moins de douze chapitres où se trouvent énumérés les divers fonds qui servent à la réduire : à côté des 1 169 901 livres qu’avait fournies l’année dernière l’échange de titres de rente contre des annuités viagères, nous voyons un modeste amortissement de 937 livres accompli au moyen de legs et donations, un autre de 136 livres avec des fonds provenant d’un excédent de la caisse des retraites des employés des prisons, et ainsi de suite.

Si nous comparons cette œuvre infatigable de nos voisins avec l’allure de nos budgets, nous sommes forcés de reconnaître combien nous leur sommes inférieurs à cet égard. Les chiffres de notre dette consolidée et de notre dette flottante ne cessent de croître. Sauf le tirage annuel qui, le 1er mars de chaque année[1], nous fait rembourser automatiquement une fraction de nos 4 milliards de rente 3 pour 100 amortissable, laquelle aura ainsi disparu en 1953, nous ne faisons aucun effort pour réduire le restant de notre dette, qui mérite chez nous, à tous égards, le nom de perpétuelle. Des conversions successives nous ont bien permis d’en ramener le taux de 5 à 4 1/2 en 1883, de 4 1/2 à 3 1/2 en 1893 et l’abaisseront encore, selon toute probabilité, au moins à 3, en 1902. Mais, dans la longue période de paix que nous traversons depuis un quart de siècle, non seulement nous n’avons pas réussi à faire disparaître la moindre partie du fardeau accumulé sur nos épaules par les désastres de 1870, mais nous l’avons considérablement augmenté. Depuis les grands emprunts

  1. Cet amortissement représente en ce moment environ 25 millions de francs par an.