Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 149.djvu/327

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la tient d’éducation d’enfance, si compliquée lorsqu’on s’y applique à un âge déjà mûr, cette science, qui à l’Impératrice serait plus nécessaire encore qu’à l’épouse du Premier Consul, il fallut qu’elle l’apprit en une année, à mesure que le tourbillon l’emportait aux sommets. De livres, elle n’eût eu que faire pour un tel usage. Le livre est un interlocuteur qui ne répond qu’à qui sait l’interroger ; quiconque sait quel livre l’instruira est déjà instruit ; mais, outre qu’elle ignorait le livre utile, quelle masse à remuer et combien d’inutiles digressions ! Ce qu’il lui faut, ce sont des notions digérées, qu’elle s’assimile à mesure des besoins, des notions superficielles, mais justes et précises, où il entre assez d’anecdotes pour graver quelques faits en mémoire, y fixer les titres exacts des personnes, les lieux qu’elles habitent, les nations dont elles sont, les rapports de parenté qu’elles ont avec tels et tels ; assez pour que, aux cercles et aux audiences, la vanité des gens présentés se trouve flattée en l’endroit sensible par une question qui sorte de la banalité, qui prouve qu’on connaît leur famille, leur illustration, leurs ouvrages, et qu’on les tient pour ce qu’ils sont. Joséphine a rencontré l’homme à souhait pour un tel office : c’est l’abbé Nicolas Halna, personnage ayant traversé les carrières les plus diverses, mais ayant acquis un bagage de connaissances incomparable : étudiant en médecine, puis prêtre, puis précepteurs des enfans Durfort, professeur, et ensuite principal au collège de Sedan, il a été, successivement, durant la révolution, adjoint au corps du génie, chirurgien dans un hôpital, maître d’une pension au faubourg Saint-Marceau, secrétaire du conseil de l’École polytechnique, professeur de géographie au prytanée de Paris et, au moment où Rémusat le déterre pour le donner à Joséphine, il est professeur à l’école de Fontainebleau. Pour justifier un traitement de 4 200 francs, « l’épouse du Premier Consul, a-t-il dit lui-même, me fit donner le titre de bibliothécaire sans aucune fonction parce qu’elle ne voulait pas passer pour avoir besoin de l’instruction de l’enfance. » Cette instruction que l’abbé, prompt aux palinodies et fécond en dédicaces, qualifie d’enfantine à la Restauration lorsqu’il s’anime de zèle royaliste et religieux, n’est ni si simple à donner, ni si facile à recevoir. Joséphine s’y applique avec un scrupule qui ne se pardonne point une faute dans les leçons à réciter. Un jour que, au ministre de Portugal, elle a demandé des nouvelles du Prince régnant, au lieu du Prince régent qu’elle voulait dire, elle est malheureuse à en