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Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 149.djvu/348

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promotions et à la sortie obtiennent les premiers diplômes. Les voilà diplômés, mieux que cela : réellement instruits ; que peuvent-ils faire ? Le manque de capitaux leur interdit l’espoir de prendre à leur compte une exploitation importante. Rentrer dans le petit domaine paternel et tourner indéfiniment dans un cercle étroit, où ils ne pourront mettre en œuvre aucune des notions qu’ils viennent d’acquérir ? Au début de la vie, à l’époque des grandes espérances, des illusions, se condamner pour toujours à une existence restreinte ? Ils s’y refusent et demandent à entrer dans l’enseignement. Il y a, nous dit le rapport, 500 demandes pour 15 ou 20 vacances annuelles.

Naturellement ces demandes de places restent longtemps sans réponse. Les uns se découragent ; combien en ai-je vu de ces jeunes gens sortant diplômés de nos écoles, ayant même passé par l’Institut agronomique, qui, après avoir frappé à bien des portes qui sont restées fermées, ont résolument abandonné une carrière sans issue et se sont engagés dans une autre voie, où leurs longues études agricoles ne leur sont d’aucun secours !

D’autres s’obstinent et, si leurs parens sont des électeurs influens, intéressent à leur sort députés et sénateurs ; leurs demandes sont pressantes, l’administration résiste d’abord, puis un jour vient où un ministre, lassé de ces obsessions, finit par céder ; on nomme des professeurs spéciaux dans les arrondissemens qui n’en sont pas encore pourvus, et quand la poussée est trop forte, on construit une nouvelle école pratique pour y caser quelques-uns des candidats les plus chaudement recommandés.

Sans doute M. le ministre a créé le nouveau conseil pour éclairer ses décisions, pour avoir l’avis d’hommes compétens. Je ne jurerais pas que le conseil ne servît encore… comment dirait-on ? de refuge au ministre contre des sollicitations trop pressantes. « L’avis du conseil sera obligatoire pour toutes les créations d’écoles et de chaires d’agriculture. »

Une large distribution de bourses présente donc les plus grands inconvéniens : pour l’Etat qui est contraint de créer des places nouvelles ; et pour les jeunes gens qui s’engagent dans une voie sans débouchés. Il est clair qu’on ne saurait songer à supprimer complètement les bourses ; il est intolérable de penser qu’un jeune homme intelligent, distingué, appelé à rendre service au pays, sera arrêté, faute d’un peu d’aide au début ; mais ces bourses devraient être peu nombreuses, car s’il est nécessaire de soutenir