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domaines du « Grand Seigneur, » les trafiquans et les pèlerins. Quiconque se recommande du roi de France, est assuré de n’être molesté ni dans sa personne ni dans ses biens et de pouvoir pratiquer librement sa religion. Concédée par la Sublime Porte, la protection du roi de France est accueillie comme un bienfait, non seulement par les religieux et les commerçans, mais aussi par ces petits peuples qui, en Europe, en Asie Mineure ou en Syrie ont conservé la foi catholique comme un héritage patriotique et comme la sauvegarde de leur nationalité. Que les rois « Francs, » fils de saint Louis, soient leurs patrons, les nations levantines le trouvent tout naturel : elles recourent volontiers à ces protecteurs en qui l’histoire et les traditions leur ont appris à espérer.

Ainsi, de la confiance justifiée des populations et de l’amitié du sultan naît le protectorat français sur les catholiques de l’empire ottoman. Ni la Révolution, ni Napoléon Ier ne méconnurent les devoirs et les droits de la France en Orient ; tous les gouvernemens estimèrent à haut prix le trésor d’influences et d’amitiés que leurs prédécesseurs avaient amassé. Le Comité de Salut public, qui eut de la grandeur de la France une si haute idée, écrivait à notre envoyé à Constantinople « d’assister aux cérémonies du culte et d’y observer l’attitude recueillie des représentans de l’ancienne monarchie, » car « les rapports de cette espèce, établis par la nature même, sont au-dessus des variations de gouvernement. » Paroles infiniment sages et bien remarquables de la part d’un gouvernement pour qui « déchristianiser » la France semblait une nécessité et qui envoyait à la mort prêtres et religieux.

Sous le second Empire, la question des Lieux Saints fut l’une des causes déterminantes de la guerre de Crimée et, en 1861, nos armes prouvèrent aux brigands druses du Liban que le protectorat français n’était pas un vain mot. Encore aujourd’hui, les Maronites, que déjà en 1250 saint Louis nommait « une partie de la nation française, » montrent avec satisfaction les lieux où ils furent délivrés de leurs plus dangereux persécuteurs. Ainsi, ce protectorat que nos rois avaient obtenu, les gouvernemens qui se succédèrent dans ce siècle surent le maintenir et l’affirmer avec énergie ; tous ont contribué à ajouter « par cet exercice actif et