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Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 149.djvu/381

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L’ISLAMISME
et les
CONFRÉRIES RELIGIEUSES AU MAROC





Parmi les grandes religions qui gouvernent le monde, l’Islamisme est peut-être celle qui a subi le moins de variations, la seule que le scepticisme n’ait point entamée. Là où elle s’est une fois implantée, l’esprit de libre examen, d’indépendance, d’effort intellectuel n’existe plus. Le temps est sans prise sur elle ; l’espace ne l’arrête point, et de l’Atlantique aux mers malaises, des steppes du Turkestan aux forêts immenses du Congo, 180 millions d’hommes clament à toute heure du jour et de la nuit sa grande formule : « Allah illah, Mohammed rassoul Allah : Dieu est Dieu et Mahomet son prophète. » Loin de décroître, après quatorze siècles d’autorité elle ne cesse de s’étendre ; si l’Europe civilisée et la Chine engourdie dans une civilisation caduque limitent son action au nord, elle progresse dans les pays chauds, et une active propagande lui conquiert chaque jour des multitudes de croyans aux Indes et dans le continent des noirs.

Ce qui explique cette extension et cette immutabilité de l’Islamisme, c’est qu’il est la religion qui aboutit le mieux à détruire la personnalité humaine, à identifier la créature avec Dieu, à tenir l’esprit dans un complet détachement des événemens et des circonstances, dans une sérénité qui va jusqu’à l’insensibilité, dans un calme inerte qui va jusqu’à l’absence totale de pensée ; elle est une de celles qui suppriment le plus le sentiment de la douleur et de l’inquiétude morales.