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Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 149.djvu/429

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tout désignés à l’avance : pour la première section, c’est le maire ; pour les autres, des amis du maire ou du candidat cher au maire. De six ou sept sections, ils en tiennent au moins quatre ou cinq ; et que dire des suppléans qui viennent s’offrir à les remplacer vers midi, quand ils déjeunent ? C’est alors que par petits groupes, sous la conduite des comités, descend la Cour des miracles du suffrage universel. Quand six heures sont arrivées, quand quelques milliers de noms ont été appelés, quelques milliers d’émargemens faits, quelques milliers de bulletins jetés au fond de la boite, le peuple a un représentant : il ne s’agit plus que de savoir qui c’est. Au même instant, ou à peu près, sur cinq cent quatre-vingt-un points divers du territoire de la République française et de ses colonies, des gens partent en courant, sans se connaître se congratulent et se houspillent aussi, se serrent la main ou se montrent le poing : « X… est élu. Vive la République ! » Et quand, le mois suivant, la Chambre s’étant réunie pour la vérification des pouvoirs, se vide le grand panier électoral, voici, pêle-mêle, ce qui en tombe. Je cite l’Officiel, mais ne puis tout citer : il vaut la peine de s’y reporter, peu de lectures sont aussi édifiantes.

Dans un arrondissement de Paris, un citoyen se plaint de ce que les listes électorales ne soient pas suffisamment révisées, et il espère (fol espoir ! ) que M. S…, le député élu sur ces listes frelatées, donnera sa démission[1]. Il est vrai que le bureau déclare cette protestation sans objet, en quoi l’expérience d’autres circonscriptions parisiennes permet d’affirmer qu’il fait montre de quelque optimisme. A Paris encore, en effet, « la pression officielle apparaîtrait notamment dans la constitution de la commission de révision des listes électorales. On en aurait soigneusement écarté tous les amis de l’honorable M. G… ; on y aurait fait entrer les amis les plus fidèles de M. M…, et, de ce chef, on aurait pu maintenir, sur les listes de l’arrondissement, un grand nombre de personnes qui n’y demeureraient pas et qui n’y figurent pas sur les rôles des contributions directes. » Le président d’un Comité républicain progressiste aurait adressé « à un certain nombre de personnes, qu’il savait pertinemment ne plus habiter l’arrondissement, » et qui se trouvaient, peut-être indûment, inscrites sur les listes électorales, une lettre ainsi conçue :

  1. Chambre des députés, séance du 6 juin 1898.