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Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 149.djvu/47

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conviendrait d’invoquer pour rendre précieux aux yeux de la France l’exercice de sa prérogative. Mais, sans sortir de ce domaine des choses pratiques, n’est-il pas vrai de dire que, pour être invisibles et comme impalpables, les forces morales et supranationales n’en sont pas moins des réalités fécondes ? Le protectorat est une de ces forces : produit lentement élaboré de dix siècles d’efforts, il prouve la continuité de notre histoire nationale, il aide à relier par-dessus les déchirures et malgré les hiatus la France d’aujourd’hui à la France de jadis ; il reste pour notre patrie un moyen, l’un des derniers qui ne lui aient pas échappé, d’exercer au loin une action d’autant plus précieuse qu’elle est plus désintéressée et qu’elle n’est pas asservie aux besoins changeans d’une politique uniquement soucieuse d’intérêts commerciaux ou industriels. Est-ce qu’en définitive, la grandeur d’un pays ne se mesure pas à son influence sur la marche générale de l’humanité ? Est-ce que l’histoire ne nous apprend pas qu’il faut, pour faire grande figure, qu’une nation représente et incarne un principe ? Et, quand on sait les lire, est-ce qu’enfin les annales du passé ne crient pas que, plus encore que les intérêts, les idées mènent le monde ?