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Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 149.djvu/486

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le gouvernement qui le laisserait perdre par sa faute commettrait un véritable crime envers le pays. Dans la crise que nous traversons, l’appui que nous donne Léon XIII nous est précieux. Sa voix a trop d’autorité pour n’être pas obéie, et si elle l’est, nous pourrons assister impassibles au magnifique spectacle que va donner l’empereur Guillaume. Il laissera sans doute un éblouissement après lui ; mais le protectorat de la France n’en sera pas ébranlé.

La place nous manque pour parler de la Crète. Nous ne dirons qu’un mot : le sang a coulé à Candie. La ville a été bombardée, et on ne sait pas encore combien de cadavres couvrent les décombres. Les musulmans de Candie, exaspérés par leur misère, se sont révoltés. La répression a été dure et elle devait l’être ; mais la responsabilité initiale de ces tristes événemens revient à l’Europe qui, on ne saurait le dire trop haut, a manqué à tous les devoirs qu’elle avait assumés. Sa banqueroute en Crète est un des faits les plus graves, et assurément les moins honorables du temps présent. Les puissances qui sont encore représentées militairement en Crète y ont envoyé des troupes de renfort. Soit ; mais ce n’est pas encore là une solution, et les mêmes incidens se renouvelleront jusqu’à ce qu’on en ait trouvé une. La difficulté de la trouver avait fait renoncer à la chercher, et on avait cru qu’il suffirait de décréter le maintien du statu quo pour le rendre supportable, expédient qui devait avoir le résultat qu’il a eu. Les amiraux aujourd’hui sont les premiers à proclamer leur impuissance et à demander une solution véritable. Que les puissances s’entendent pour en appliquer une, ou qu’elles renoncent à faire le bonheur de la Crète : elles ont déjà réussi à y faire regretter le sultan.

FRANCIS CHARMES.
Le Directeur-Gérant,
F. BRUNETIÈRE.