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Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 149.djvu/496

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490 REVUE DES DEUX MONDES. tait fort bien du soin de garder les distances de classe, comme son auguste mère, mais elle faisait une exception pour André, qu’elle continuait de traiter avec la familiarité du temps de leur enfance. Elle s’en autorisait même pour railler impitoyablement les exploits et le genre de vie du jeune homme, rien au monde n’étant plus contraire à ses propres goûts. André, de son côté, se piquait, se fâchait de ces libertés; Louisa sénervait, s’irritait qu’il lui refusât le droit de dire ce qu’elle disait; mais Tolin intervenait dans la querelle et les mettait en paix, cest-à-dire qu’il obtenait qu’on changeât de sujet, car pour ce qui est de la paix, elle n’était vrai- ment pas conclue, puisque, la réunion finie, Louisa s’enfermait dans sa chambre avec une humeur de tous les diables, et André sortait en maudissant l’impertinente fille « qui finirait par être cause qu’il ne remettrait plus les pieds dans cette maison. » XV. — LE CONSOLATEUR Le pauvre Cleto allait, allait, remontant la rue, la redescen- dant, du Paredon au vestibule, du vestibule au Paredon, disant au commencement de chaque montée : « Cette fois j’entre, » et il arrivait à la porte, et il n’entrait pas... et derechef il retournait au Paredon; et toujours avec le poignard qui lui perçait douloureu- sement la poitrine à chaque pas. Ce poignard, maintenant, était Muergo, — et surtout la pensée que, s’il lui fallait le jeter hors du rez-de-chaussée pour toujours à grands renforts de soufflets, il en aurait pour un bon moment. Après quoi, la bataille finie, et, en supposant qu’elle tournât à son avantage, s’il arrivait qu’on lui fermât la porte, à lui, pour s’être permis un nettoyage de ce genre, quelle brillante récompense de sa peine! Que n’avait- il des amis à qui se confier ! des gens prudens et de bon con- seil pour écouter le récit de ses infortunes et de ses préoccu- pations ! Et tout à ses chagrins, il descendit, sans s’en rendre le moin- dre compte, la rue de Rua-Mayor; il arriva à la Poissonnerie, déserte à cette heure, continua jusqu’à la Ribera... et là se ren- contra nez à nez avec le père Apollinaire. Personne comme ce bon seùor pour lui donner un bon avis ! Il l’arrêta, le salua et, la casquette à la main, le supplia d’écouter deux paroles qu’il avait à lui dire. — S’il n’y en a que deux, — lui dit le religieux au bout d’un ins-