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Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 149.djvu/525

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SOTILEZA. 519 tion,car, pendant qu’il allait ainsi, vaguant au hasard sur le Môle, Muergo et Sotileza étaient seuls au rez-de-chaussée. Oncle Mechelin, revenu du débit de tabac, fumait une pipe à la porte de la rue. Muergo avait paru plus tôt que d’habitude, parce que l’avis donné par Colo à Gleto était vrai de tout point, et qu’il voulut, dès qu’il fut parvenu à ses oreilles avec l’apparence de la vraisem- blance, le porter à la connaissance de son oncle. — Où est mon oncle? demanda-t-il à Sotileza: — Il est sorti acheter du tabac, dit la jeune fille. — Ben ! ça me fait plaisir, crédié ! répondit Muergo. Et ma tante? — A la poissonnerie. Elle va rentrer. — Ça me fait plaisir aussi ! Hou ! hou ! — Pourquoi, animal? — Crédié, parce que comme ça tu es toute seule, ce qui me fait le plus de plaisir... Hou! hou! Tu sais qu’il va y avoir des régates . — Quand? — Le jour des Martyrs, si ceux d’ici ne lâchent pas... Crédié! tu verras ce que c’est que tirer sur la rame... Une once, Sotileza! Crédié! si elle était pour moi. Je saurais bien quoi acheter avec ! Hou ! hou ! Quel jour ce serait ! En plus de ça, à la fête de Mi- randa et au sermon de père PoUinaire, j’étrennerai un vêtement neuf des pieds à la tête, et même des chaussures. — Tu as déjà la casquette et la veste qui te manquaient, Muergo? lui demanda la jeune fille avec l’intérêt d’une mère qui se dépouil- lerait pour embellir son fils. — Puisque je te le dis! Tu t’es tellement obstinée qu’à force d’économiser et d’économie en économie... — Et c’est pour cela seul, Muergo, pour cela seul que tu as économisé? — Pourquoi, tu crois? — Parce que je te l’ai ordonné? — Den, pourquoi est-ce que je fais les choses, crédié? s’écria le monstre en tremblant des pieds à la tête. Pourquoi est-ce que je supporte du Mordaguoro tout ce que je supporte? Crédié!... bon, c’est pour te faire plaisir, Sotileza... Et c’est parce que tu l’as voulu ([ue jai un vêtement de laine fine... Bien que pour ça, hou! hou !... Ce soir jo ne souperai pas avec vous. Mais tu me donneras le pain, eh ! j’ai une de ces faims...