Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 149.djvu/679

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans le cours ordinaire de la vie internationale. Mais encore faut-il que les souverains comptent avec leurs sujets et que le sentiment national n’assimile pas le désintéressement à la trahison. En somme, la révision des actes diplomatiques n’est pas impossible ; mais il semble que cette autre tentative, au lieu de déblayer le terrain, compliquerait encore une question déjà très compliquée.


II

Les membres de la future conférence auront la tâche difficile de combiner les nécessités du désarmement avec un principe fondamental du droit international : l’indépendance des États. Chaque État, en effet, outre qu’il exerce à lui seul sa souveraineté intérieure dans les limites de son territoire et dans ses rapports avec ses nationaux, ne reconnaît aucune autorité qui puisse lui imposer une direction dans ses relations extérieures. L’indépendance implique, en même temps que les droits de représentation ou de légation, de négociation ou de traité, le droit d’action coercitive ou de guerre. Cet ensemble de droits est, en thèse, inaliénable. Par la force des choses chaque État, personne naturelle et nécessaire, doit prendre toutes les mesures propres à garantir son indépendance. C’est pourquoi les autres membres de la communauté internationale ne peuvent pas, en principe, l’empêcher de pourvoir à sa défense et à sa sûreté.

Donc un État peut toujours, de l’aveu général, se mettre à même de protéger sa frontière, de repousser les attaques extérieures, par suite former et instruire des armées, perfectionner son armement, créer des arsenaux ou des écoles militaires, élever des fortifications, édifier des camps retranchés, équiper des flottes, etc. Si la pratique internationale concède aux États voisins, justement alarmés par l’apparence offensive de certains préparatifs, le droit d’adresser une demande d’explications courtoise, il est universellement reconnu qu’aucun État ne peut imposer à un autre État une mesure de désarmement total ou partiel[1].

Cependant certaines conventions établissent quelquefois entre divers États des servitudes internationales qui restreignent au préjudice de l’un d’eux le libre exercice de sa souveraineté. Par exemple le traité d’Utrecht avait interdit à la France de

  1. Cf. Bonfils, Manuel de droit international public, 2e édit., n° 246.