Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 149.djvu/725

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Anglo-Égyptiens toutes les parties de son empire qui n’en avaient pas été déjà détachées. Les intérêts respectifs des diverses nations ne sont plus les mêmes. Les nôtres, à Fashoda, ne se présentent pas aujourd’hui tout à fait dans les mêmes conditions qu’il y a quelques mois. En revanche, nous en avons sur d’autres points où l’Angleterre pourrait s’entendre avec nous. En un mot, un vaste champ s’ouvrira quand on voudra aux négociations. Si les sentimens qui se sont fait jour dans la presse anglaise avaient animé le général Kitchener dans le premier éblouissement de sa victoire, l’irréparable aurait pu intervenir entre l’Angleterre et nous. Les suites d’une imprudence, mêlée de quelque brusquerie, auraient été telles qu’on ne peut pas y songer sans frémir. Mais qui aurait assumé la responsabilité d’un conflit entre les deux grandes nations de l’Europe occidentale, parce qu’elles se seraient rencontrées dans l’immensité du Soudan égyptien ? Qui aurait osé faire intervenir la force dans une question qui relève aussi incontestablement de la diplomatie ? Il faudrait alors désespérer de la raison humaine. Il faudrait supprimer comme inutiles dans les deux pays les ministres des Affaires étrangères, pour ne conserver que les ministres de la Guerre, et ce serait là terminer bien tristement le siècle qui s’achève. L’opinion paraît l’avoir compris en Angleterre ; il y a déjà chez elle une tendance à s’apaiser. Ce n’est pas, en tout cas, du côté de la France que risquerait de rien venir qui ressemblât de près ou de loin à une provocation. Nous garderons toujours les bons procédés de notre côté. On nous a reproché autrefois la facilité d’entraînement avec laquelle nous nous jetions dans les aventures, et nous ne voulons pas rechercher si ce reproche était fondé alors, mais certainement il ne le serait plus aujourd’hui. La France ne tolérerait pas plus que jadis une atteinte portée à sa dignité et à ses intérêts, mais il ne lui suffit plus d’articles de journaux pour lui faire perdre son sang-froid, et nous souhaitons seulement que cette réserve de sa part n’habitue pas les autres à perdre trop souvent le leur.


Nous ne terminerons pas cette chronique sans rendre hommage à la mémoire d’un homme qui vient de mourir, après avoir rendu à son pays des services qui méritent d’être rappelés. M. Hippolyte Desprez a eu des titres d’un ordre plus spécial qui le rappellent à nous : il a été pendant une période de sa vie un des rédacteurs les plus actifs de la Revue des Deux Mondes. Du commencement de 1847 à la fin de 1853, il nous a donné de nombreux articles, consacrés presque tous aux événemens politiques qui commençaient à se dérouler, mais qui