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engagés, qui aboutirent le 10 juillet 1886. Ce jour-là, une charte royale fut octroyée à la compagnie anglaise et lui donna des pouvoirs très étendus sur une double zone de territoire s’étendant à 48 kilomètres de chaque rive du Niger et de la Bénoué et sur les régions qu’elle pourrait par la suite acquérir. La charte royale autorisa la compagnie à lever des troupes, à battre monnaie, à faire des lois, moyennant, il est vrai, l’assentiment du sous-secrétaire d’État. Elle lui reconnut tous les droits régaliens : droits de justice et de police et d’établissement de taxes. La compagnie se hâta d’ailleurs d’user de ces nouveaux droits. Elle organisa une force publique, créa tout un système administratif et judiciaire, leva des impôts. Elle eut un agent général à Akassa, un chief-justice à Assaba, un commandant des troupes à Lokodja. La couronne britannique s’était enrichie d’un nouveau et magnifique joyau, et, suivant la bonne doctrine de l’école de Manchester, il n’en avait coûté à Sa Gracieuse Majesté ni un soldat ni un écu.


III

Du moins, si nous nous laissâmes ainsi évincer des bouches du Niger, devions-nous devenir les maîtres à la source du fleuve et sur la partie supérieure de son cours. Il est vrai qu’établis à Saint-Louis, à l’embouchure du Sénégal, nous trouvions là ouverte devant nous une voie naturelle vers le bassin du haut Niger. Les sources des deux fleuves ne sont séparées que par le massif du Fouta-Djalon. Quand, en 1879, notre domination eut été étendue jusqu’à ce plateau montagneux, il nous fut donné de voir à nos pieds se dérouler la vallée du grand fleuve africain, et nous y pénétrâmes l’année suivante. Le 30 janvier 1883, un poste fut établi à Bammakou et pour la première fois le drapeau français flotta sur le fleuve. Des postes intermédiaires s’échelonnèrent de Bammakou à nos établissemens du Sénégal, et un chemin de fer fut commencé qui dut relier le cours des deux fleuves. En 1887, le lieutenant Garon descendait le Niger et mouillait devant Koriumé, un des ports de Tombouctou. De nouveaux postes étaient fondés sur le cours du fleuve, à Kangaba et Siguiri au sud de Bammakou, à Nyamina au nord de cette ville. Samory nous cédait la partie de ses États situés sur la rive gauche du Niger. Ahmadou, sultan de Ségou, reconnaissait notre protectorat. Nous faisions entrer dans notre sphère d’influence les États de Tiéba, avec lequel nous