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Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 149.djvu/895

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appartient équitablement au royaume de Sokoto. » Comment fallait-il entendre « ce qui appartient au Sokoto ? » Se fondant sur ce que le Damerghou et les oasis d’Adar et d’Asben reconnaissent la suprématie du sultan de Sokoto, lord Aberdare, dans une des séances générales annuelles des actionnaires de la Royal Niger Company, avait revendiqué ces vastes territoires comme appartenant au Sokoto : c’était reporter la ligne Saï-Barroua à 400 ou 500 kilomètres vers le nord, au cœur du Sahara. En France, au contraire, on répondait à lord Aberdare que les liens qui rattachent le Damerghou et les oasis d’Adar et d’Asben au sultan de Sokoto sont très lâches ; que ces territoires reconnaissent plutôt la suprématie religieuse que la suprématie politique du sultan, qui est, aux yeux des musulmans de l’Afrique centrale, l’Émir-el-Moumenin ; que notamment, en ce qui concerne le chef de l’Asben, le Sokoto n’exerce qu’un vague droit d’investiture. Les plus intransigeans allaient jusqu’à soutenir que le Bornou, ne faisant pas partie du Sokoto, devait être distrait des territoires reconnus à l’Angleterre et considéré comme réservé. Il est vrai qu’on leur répondait, en Angleterre, que, si le Bornou ne dépendait pas du Sokoto, il n’en était pas moins situé au midi de Barroua, sur le Tchad ; que, s’il n’était pas entré dans l’esprit des négociateurs d’en faire le partage, on aurait arrêté la ligne de démarcation aux confins mêmes du Bornou et on ne l’aurait pas poussée jusqu’au Tchad ; qu’en l’espèce, la ligne Saï-Barroua traversant le Bornou, la partie de ce pays située au nord de cette ligne appartenait à la France, la partie au midi à l’Angleterre.

Sur la rive droite du Niger, l’Angleterre réclamait le Mossi, le Gourounsi, le Mampoursi et la rive gauche de la Volta avec la ville de Bouna comme hinterland de la côte d’Or. À l’appui de ces prétentions, elle invoquait les traités de Fergusson et la nécessité de donner à cette colonie un débouché suffisant pour assurer sa vitalité. Comme hinterland du Lagos elle revendiquait le Borgou et le Gourma : le Borgou comme vassal de l’État de Boussa, avec lequel elle avait conclu un traité de protectorat en 1890, et aussi en vertu des droits que lui avait acquis tout récemment le capitaine Lugard, et le Gourma comme dépendant du roi de Gando, vassal lui-même du Sokoto. Elle demandait en même temps la restitution de Boussa, que nous avions occupée au cours des négociations. De notre côté, nous faisions valoir sur tous ces pays les droits que nous avaient procurés les derniers traités que nous